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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Jōtarō !<br />

— Je vous taquine. Vous avez l’air si heureuse !<br />

— Toi aussi, tu as l’air heureux.<br />

— Je <strong>le</strong> suis, <strong>et</strong> je n’essaie pas comme vous de <strong>le</strong> cacher. Je<br />

vais <strong>le</strong> crier pour que tout <strong>le</strong> monde puisse l’entendre : Je suis<br />

heureux !<br />

Il exécuta une p<strong>et</strong>ite danse en agitant bras <strong>et</strong> jambes, puis<br />

reprit :<br />

— ... Quel<strong>le</strong> déception, n’est-ce pas, si Masashi n’est pas là ?<br />

Je crois que je vais courir en avant pour voir.<br />

Otsū prit son temps. Son cœur avait déjà volé au bas de la<br />

pente, plus vite que Jōtarō n’eût jamais pu courir.<br />

« Je suis affreuse à voir », se dit-el<strong>le</strong> en regardant son pied<br />

b<strong>le</strong>ssé, la boue <strong>et</strong> <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s collées à ses manches.<br />

— Allons ! criait Jōtarō. Pourquoi traînez-vous ?<br />

Au son de sa voix, Otsū était sûre qu’il avait aperçu Masashi.<br />

« Enfin », se disait-el<strong>le</strong>. Jusqu’alors, el<strong>le</strong> avait dû trouver<br />

réconfort en el<strong>le</strong>-même, <strong>et</strong> el<strong>le</strong> en était lasse. El<strong>le</strong> éprouvait une<br />

certaine fierté à être demeurée fidè<strong>le</strong> à son but. Maintenant<br />

qu’el<strong>le</strong> était sur <strong>le</strong> point de revoir Musashi, son esprit dansait de<br />

joie. C<strong>et</strong>te ivresse, el<strong>le</strong> <strong>le</strong> savait, était cel<strong>le</strong> de l’espoir ; el<strong>le</strong> ne<br />

pouvait prévoir si Musashi accepterait sa dévotion. Sa joie à la<br />

perspective de <strong>le</strong> rencontrer était seu<strong>le</strong>ment un peu gâtée par<br />

l’angoissante prémonition que la rencontre pût apporter de la<br />

tristesse.<br />

Sur la pente ombragée de la colline de Kōji, <strong>le</strong> sol était gelé<br />

mais au salon de thé proche du bas, il faisait si chaud qu’il y<br />

voltigeait des mouches. Il s’agissait d’une vil<strong>le</strong> à auberge ; aussi,<br />

naturel<strong>le</strong>ment, la boutique vendait-el<strong>le</strong> du thé aux voyageurs ;<br />

el<strong>le</strong> proposait en outre une série d’artic<strong>le</strong>s divers, nécessaires<br />

aux fermiers de la région, depuis <strong>le</strong>s bonbons peu coûteux<br />

jusqu’aux bottes de pail<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s bœufs. Jōtarō se tenait<br />

devant la boutique, tout p<strong>et</strong>it dans la fou<strong>le</strong> nombreuse <strong>et</strong><br />

bruyante.<br />

— Où donc est Musashi ?<br />

El<strong>le</strong> promenait autour d’el<strong>le</strong> des regards inquisiteurs.<br />

— Il n’est pas là, répondit Jōtarō, abattu.<br />

— Pas là ? Il doit être là !<br />

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