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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Là-dessus, comme si el<strong>le</strong> avait gu<strong>et</strong>té l’occasion, une ombre<br />

se profila sur <strong>le</strong> papier qui tendait la fenêtre, <strong>et</strong> une voix<br />

masculine appela doucement :<br />

— Otsū ! Otsū !<br />

Dans l’espoir qu’il s’agissait de Takuan, el<strong>le</strong> ne s’attarda<br />

guère à examiner la forme de l’ombre avant de se précipiter<br />

pour ouvrir la fenêtre. El<strong>le</strong> recula d’un bond, surprise : <strong>le</strong>s yeux<br />

qui rencontrèrent <strong>le</strong>s siens étaient ceux du capitaine. Il tendit <strong>le</strong><br />

bras par la fenêtre, lui saisit la main <strong>et</strong> la serra fortement.<br />

— ... Tu as été bonne pour moi, dit-il, mais je viens de<br />

recevoir l’ordre de r<strong>et</strong>ourner à Himeji.<br />

— Quel dommage !<br />

El<strong>le</strong> essaya de r<strong>et</strong>irer sa main de la sienne, mais il serrait<br />

trop fort.<br />

— Il semb<strong>le</strong> que l’on fasse une enquête sur l’incident qui<br />

s’est produit ici, expliqua-t-il. Si seu<strong>le</strong>ment j’avais la tête de<br />

Takezō, je pourrais dire que je me suis acquitté de mon devoir<br />

avec honneur. Je serais vengé. Ce fou, c<strong>et</strong>te tête de mu<strong>le</strong> de<br />

Takuan me la refuse. Il ne veut pas m’écouter. Mais je te crois<br />

dans mon camp ; voilà pourquoi je suis venu. Prends c<strong>et</strong>te<br />

l<strong>et</strong>tre, veux-tu, <strong>et</strong> lis-la plus tard, quand personne ne pourra te<br />

voir.<br />

Il lui fourra <strong>le</strong> papier dans la main, <strong>et</strong> fila comme un dard.<br />

El<strong>le</strong> l’entendait descendre en courant l’escalier jusqu’à la route.<br />

C’était plus qu’une l<strong>et</strong>tre, car une grosse pièce d’or s’y<br />

trouvait incluse. Mais <strong>le</strong> message lui-même était suffisamment<br />

direct : il demandait à Otsū de couper la tête de Takezō dans <strong>le</strong>s<br />

tout prochains jours <strong>et</strong> de la porter à Himeji où <strong>le</strong> signataire de<br />

la missive ferait d’el<strong>le</strong> son épouse, <strong>et</strong> où el<strong>le</strong> passerait <strong>le</strong> restant<br />

de ses jours dans la richesse <strong>et</strong> <strong>le</strong>s honneurs. <strong>La</strong> l<strong>et</strong>tre était<br />

signée « Aoki Tanzaemon », nom qui, d’après <strong>le</strong> propre<br />

témoignage du scripteur, appartenait à l’un des plus célèbres<br />

guerriers de la région. Otsū avait envie d’éclater de rire, mais<br />

son indignation l’en empêcha.<br />

Comme el<strong>le</strong> achevait sa <strong>le</strong>cture, Takuan l’appela :<br />

— Otsū, n’as-tu pas encore dîné ?<br />

El<strong>le</strong> glissa ses pieds dans ses sanda<strong>le</strong>s, <strong>et</strong> sortit lui par<strong>le</strong>r.<br />

— Je n’ai pas faim. J’ai mal à la tête.<br />

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