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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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spécialité consistait à vendre des chapeaux de vannerie à des<br />

hommes soucieux de cacher <strong>le</strong>ur identité pour entrer dans <strong>le</strong><br />

quartier réservé.<br />

Après avoir envoyé la serveuse ach<strong>et</strong>er des sanda<strong>le</strong>s, il<br />

s’assit au bord d’un tabour<strong>et</strong>, <strong>et</strong> serra son obi <strong>et</strong> <strong>le</strong> cordon qui se<br />

trouvait dessous. Il ôta son manteau vague, <strong>le</strong> plia<br />

soigneusement, emprunta du papier, un pinceau, rédigea un<br />

court bill<strong>et</strong> qu’il plia <strong>et</strong> glissa dans la manche du manteau.<br />

Alors, il appela <strong>le</strong> vieil homme accroupi auprès du foyer dans<br />

l’arrière-sal<strong>le</strong> de la boutique, <strong>et</strong> qu’il supposait être <strong>le</strong> patron.<br />

— Voudriez-vous me garder ce manteau ? Si je ne suis pas<br />

revenu à onze heures, veuil<strong>le</strong>z <strong>le</strong> porter à l’Ogiya <strong>et</strong> <strong>le</strong> rem<strong>et</strong>tre à<br />

un homme appelé Kō<strong>et</strong>su. Il y a une l<strong>et</strong>tre pour lui à l’intérieur<br />

de la manche.<br />

L’homme répondit qu’il se ferait un plaisir de rendre ce<br />

service ; interrogé, il informa Musashi qu’il n’était qu’environ<br />

sept heures ; <strong>le</strong> veil<strong>le</strong>ur venait de passer en l’annonçant.<br />

Quand la fil<strong>le</strong> revint avec <strong>le</strong>s sanda<strong>le</strong>s, Musashi en examina<br />

<strong>le</strong>s lanières afin de s’assurer que la tresse n’était pas trop serrée,<br />

puis <strong>le</strong>s attacha par-dessus ses guêtres de cuir. Il donna au<br />

boutiquier plus d’argent qu’il n’en fallait, prit un nouveau<br />

chapeau de vannerie, <strong>et</strong> sortit. Au lieu de se fixer <strong>le</strong> chapeau sur<br />

la tête, il <strong>le</strong> tendit au-dessus de son crâne pour s’abriter de la<br />

neige, qui tombait en flocons plus légers que des f<strong>le</strong>urs de<br />

cerisier.<br />

Au long de la berge, avenue Shijō, l’on voyait des lumières ;<br />

mais à l’est, dans <strong>le</strong>s bois de Gion, il faisait nuit noire, mises à<br />

part <strong>le</strong>s flaques de lumière fort espacées des lanternes de <strong>pierre</strong>.<br />

Le si<strong>le</strong>nce de mort n’était parfois rompu que par <strong>le</strong> bruit de la<br />

neige qui glissait d’une branche.<br />

Devant la porte d’un sanctuaire, une vingtaine d’hommes<br />

étaient agenouillés en prière, face aux bâtiments déserts. Les<br />

cloches des temp<strong>le</strong>s, dans <strong>le</strong>s collines proches, venaient de<br />

sonner cinq coups, ce qui indiquait huit heures. C<strong>et</strong>te nuit-là, <strong>le</strong><br />

son puissant <strong>et</strong> clair des cloches semblait vous pénétrer au creux<br />

de l’estomac.<br />

— Assez prié, fit Denshichirō. En route.<br />

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