14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

— Ressaisis-toi ! <strong>La</strong> diarrhée n’a jamais tué personne. Tôt<br />

ou tard, nous allons trouver une maison ; alors, je te m<strong>et</strong>trai au<br />

lit <strong>et</strong> te trouverai un remède quelconque. Et maintenant, cesse<br />

de p<strong>le</strong>urnicher <strong>et</strong> de par<strong>le</strong>r de mourir !<br />

Un peu plus loin, ils arrivèrent à un endroit où<br />

l’entassement des cadavres donnait à supposer qu’une division<br />

entière avait été anéantie. Maintenant, ils étaient aguerris à la<br />

vue des entrail<strong>le</strong>s. Ils contemplèrent la scène avec une froide<br />

indifférence, <strong>et</strong> s’arrêtèrent pour se reposer de nouveau.<br />

Alors qu’ils reprenaient ha<strong>le</strong>ine, ils entendirent bouger<br />

parmi <strong>le</strong>s corps. Tous deux reculèrent, effrayés ; d’instinct, ils se<br />

tapirent, <strong>le</strong>s yeux écarquillés, <strong>le</strong>s sens en a<strong>le</strong>rte.<br />

<strong>La</strong> silhou<strong>et</strong>te fit un bond pareil à celui d’un lapin surpris.<br />

Leurs yeux s’accoutumant, ils virent qu’el<strong>le</strong> était accroupie.<br />

Croyant d’abord qu’il s’agissait d’un samouraï égaré, ils se<br />

préparèrent à un combat dangereux, mais à <strong>le</strong>ur stupéfaction <strong>le</strong><br />

farouche guerrier se révéla être une jeune fil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> paraissait<br />

environ treize ou quatorze ans, <strong>et</strong> portait un kimono aux<br />

manches arrondies. L’étroite obi qui lui entourait la tail<strong>le</strong>, bien<br />

que raccommodée par endroits, était en brocart d’or ; là, au<br />

milieu des cadavres, el<strong>le</strong> offrait un bien curieux spectac<strong>le</strong>. El<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>va sur eux des yeux de chat soupçonneux <strong>et</strong> rusés.<br />

Takezō <strong>et</strong> Matahachi se posaient tous deux la même<br />

question : que diab<strong>le</strong> une jeune fil<strong>le</strong> venait-el<strong>le</strong> faire en p<strong>le</strong>ine<br />

nuit dans ce champ p<strong>le</strong>in de cadavres <strong>et</strong> de fantômes ?<br />

Durant un moment, tous deux se bornèrent à lui rendre son<br />

regard. Puis Takezō dit :<br />

— Qui es-tu ?<br />

El<strong>le</strong> cilla à deux ou trois reprises, se <strong>le</strong>va <strong>et</strong> s’éloigna en<br />

courant.<br />

— ... Arrête ! cria Takezō. Je veux seu<strong>le</strong>ment te poser une<br />

question. Ne t’en va pas.<br />

Mais el<strong>le</strong> était partie, pareil<strong>le</strong> à un éclair dans la nuit. Le son<br />

d’une cloch<strong>et</strong>te s’éloigna mystérieusement dans <strong>le</strong>s ténèbres.<br />

— Se peut-il qu’il se soit agi d’un fantôme ? rêva tout haut<br />

Takezō en contemplant d’un regard vide la brume légère.<br />

Matahachi, frissonnant, se força à rire.<br />

18

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!