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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Musashi la remercia de sa bonté, de sa sympathie, mais<br />

ajouta mystérieusement :<br />

— J’ai aussi mon plan.<br />

Il accepta volontiers que l’on envoyât chez Kō<strong>et</strong>su un<br />

serviteur à la place de Jōtarō. Le serviteur, moins d’une heure<br />

après, revint avec un mot de Kō<strong>et</strong>su : « A la première occasion,<br />

revoyons-nous. <strong>La</strong> vie a beau paraître longue, el<strong>le</strong> est en réalité<br />

beaucoup trop courte. Je vous supplie de prendre de vousmême<br />

<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur soin possib<strong>le</strong>. De loin, je vous salue. » Bien<br />

que peu nombreux, ces mots paraissaient cha<strong>le</strong>ureux <strong>et</strong> fort<br />

adéquats.<br />

— Vos vêtements sont dans ce paqu<strong>et</strong>, dit <strong>le</strong> serviteur. <strong>La</strong><br />

mère de Kō<strong>et</strong>su m’a particulièrement chargé de vous exprimer<br />

ses meil<strong>le</strong>ures pensées.<br />

Il s’inclina <strong>et</strong> sortit. Musashi regarda <strong>le</strong> kimono de coton,<br />

vieux, usé, si fréquemment exposé à la rosée <strong>et</strong> à la pluie, taché<br />

de sueur. Il paraîtrait plus doux à sa peau que <strong>le</strong>s fines soieries<br />

prêtées par l’Ogiya ; pour sûr, c’était <strong>le</strong> vêtement d’un homme<br />

voué à l’étude sérieuse du métier des armes. Musashi n’avait<br />

besoin de rien de mieux ni ne voulait rien de mieux.<br />

Il s’attendait à ce que cela sentît mauvais après avoir été plié<br />

plusieurs jours ; mais en enfilant <strong>le</strong>s manches, il constata que <strong>le</strong><br />

vêtement était tout propre. On l’avait lavé, repassé. En songeant<br />

que Myōshū l’avait lavé de ses propres mains, il souhaita, lui<br />

aussi, avoir une mère, <strong>et</strong> pensa à la longue vie solitaire qui<br />

l’attendait, sans parents à l’exception de sa sœur, laquel<strong>le</strong> vivait<br />

dans des montagnes où lui-même ne pouvait r<strong>et</strong>ourner. Un<br />

moment, il baissa <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> feu.<br />

— Allons, dit-il.<br />

Il serra son obi, <strong>et</strong> serra entre el<strong>le</strong> <strong>et</strong> ses côtes son bien-aimé<br />

<strong>sabre</strong>. Ce faisant, <strong>le</strong> sentiment de solitude s’évanouit aussi<br />

rapidement qu’il était venu. Ce <strong>sabre</strong>, se disait Musashi, devrait<br />

lui tenir lieu de mère, de père, de frères <strong>et</strong> de sœurs. Voilà ce<br />

qu’il s’était juré des années plus tôt, <strong>et</strong> il <strong>le</strong> fallait.<br />

Jōtarō se trouvait déjà dehors, <strong>le</strong>s yeux <strong>le</strong>vés vers <strong>le</strong>s étoi<strong>le</strong>s,<br />

en train de se dire que si tard qu’ils arriveraient chez <strong>le</strong> seigneur<br />

Karasumaru, Otsū serait éveillée. « Seigneur, el<strong>le</strong> en aura une<br />

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