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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— ... Tout ira bien, annonça-t-el<strong>le</strong> d’un ton sec. Je<br />

rattraperai moi-même c<strong>et</strong>te effrontée, <strong>et</strong> veil<strong>le</strong>rai à ce qu’el<strong>le</strong><br />

reçoive <strong>le</strong> châtiment qu’el<strong>le</strong> mérite.<br />

Déjà el<strong>le</strong> trottait sur la route, quand une voix s’é<strong>le</strong>va de la<br />

fou<strong>le</strong> :<br />

— Si la vieil<strong>le</strong> y va, nous devrions y al<strong>le</strong>r nous aussi.<br />

Tous <strong>le</strong>s parents, tous <strong>le</strong>s ouvriers agrico<strong>le</strong>s emboîtèrent <strong>le</strong><br />

pas à la vaillante douairière. Ils s’armèrent en chemin de<br />

bâtons, se taillèrent en hâte des lances de bambou, <strong>et</strong><br />

marchèrent droit vers <strong>le</strong> col de Nakayama sans même s’arrêter<br />

pour se reposer en route. Ils y parvinrent peu avant midi pour<br />

constater qu’ils arrivaient trop tard.<br />

— Nous <strong>le</strong>s avons laissés fi<strong>le</strong>r ! cria un homme.<br />

<strong>La</strong> fou<strong>le</strong> bouillait de colère. Pour ajouter à sa déception, un<br />

douanier vint lui signifier qu’un groupe aussi nombreux ne<br />

pouvait traverser la frontière.<br />

L’onc<strong>le</strong> Gon s’avança pour s’efforcer de fléchir <strong>le</strong> préposé en<br />

décrivant Takezō comme un « criminel », Otsū comme une<br />

« mauvaise fil<strong>le</strong> » <strong>et</strong> Takuan comme un « fou ».<br />

— Si nous renonçons maintenant, expliqua-t-il, cela<br />

souil<strong>le</strong>ra <strong>le</strong> nom de nos ancêtres. Jamais plus nous ne pourrons<br />

marcher la tête haute. Nous serons la risée du village. <strong>La</strong> famil<strong>le</strong><br />

Hon’iden risque même de devoir abandonner sa terre.<br />

Le préposé assura qu’il comprenait <strong>le</strong>urs ennuis mais ne<br />

pouvait rien faire pour eux. Le règ<strong>le</strong>ment est <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment. Peutêtre<br />

pouvait-il faire une demande à Himeji, <strong>et</strong> <strong>le</strong>ur obtenir une<br />

autorisation spécia<strong>le</strong> de traverser la frontière, mais cela<br />

prendrait du temps.<br />

Osugi, après avoir conféré avec ses parents <strong>et</strong> fermiers,<br />

demanda au préposé :<br />

— Dans ce cas, une raison quelconque s’oppose-t-el<strong>le</strong> à ce<br />

que deux d’entre nous, moi-même <strong>et</strong> l’onc<strong>le</strong> Gon, passions la<br />

frontière ?<br />

— On autorise jusqu’à cinq personnes.<br />

Osugi acquiesça du chef. Puis, au lieu de <strong>le</strong>ur faire des<br />

adieux émus, el<strong>le</strong> rassembla sa suite avec beaucoup de sens<br />

pratique. Ils s’alignèrent devant el<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s yeux fixés sur ses lèvres<br />

minces <strong>et</strong> ses grandes dents saillantes.<br />

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