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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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expéditive possib<strong>le</strong>, sans risquer eux-mêmes des coups inuti<strong>le</strong>s.<br />

Aucun échange de paro<strong>le</strong>s n’était nécessaire. Ils<br />

communiquaient parfaitement avec <strong>le</strong>s yeux.<br />

Ensemb<strong>le</strong>, tous trois se rapprochèrent de Musashi. Au<br />

même instant, <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> de ce dernier perça l’air avec <strong>le</strong> bruit sec<br />

d’une corde d’arc, <strong>et</strong> un cri foudroyant remplit l’espace vide. Ce<br />

cri de guerre émanait non de la seu<strong>le</strong> bouche de Musashi mais<br />

de son corps entier : la volée soudaine d’une cloche de temp<strong>le</strong><br />

qui résonne dans toutes <strong>le</strong>s directions. Ses adversaires s’étaient<br />

déployés de part <strong>et</strong> d’autre de lui, devant <strong>et</strong> derrière.<br />

Musashi vibrait de vie. Son sang paraissait sur <strong>le</strong> point de<br />

jaillir de chacun de ses pores. Mais il avait la tête froide comme<br />

glace. Etait-ce <strong>le</strong> lotus flamboyant dont parlaient <strong>le</strong>s<br />

bouddhistes ? <strong>La</strong> suprême cha<strong>le</strong>ur unie au froid suprême, la<br />

synthèse de la flamme <strong>et</strong> de l’eau ?<br />

Le sab<strong>le</strong> avait cessé de vo<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s airs. Jōtarō avait<br />

disparu. Des bouffées de vent descendaient en sifflant de la cime<br />

du mont Kasagi ; <strong>le</strong>s <strong>sabre</strong>s solidement empoignés brillaient<br />

d’une lueur phosphorescente.<br />

Musashi avait beau se trouver à un contre quatre, il ne se<br />

sentait pas trop à son désavantage. On dit qu’en des moments<br />

pareils, l’idée de la mort s’impose à l’esprit ; pourtant, Musashi<br />

ne songeait pas à la mort. En même temps, il n’était nul<strong>le</strong>ment<br />

certain de pouvoir vaincre.<br />

Le vent paraissait souff<strong>le</strong>r à travers sa tête en lui<br />

rafraîchissant <strong>le</strong> cerveau, en clarifiant sa vision ; toutefois son<br />

corps transpirait, des gouttes de sueur épaisse luisaient à son<br />

front.<br />

Il y eut un froissement léger. Pareil à une antenne d’insecte,<br />

<strong>le</strong> <strong>sabre</strong> de Musashi lui dit que l’homme qui se trouvait à sa<br />

gauche avait déplacé son pied de quelques centimètres. Musashi<br />

effectua <strong>le</strong> réajustement nécessaire dans la position de son<br />

arme, <strong>et</strong> l’ennemi, non moins sensib<strong>le</strong>, n’essaya plus d’attaquer.<br />

Les cinq hommes avaient l’air de former un tab<strong>le</strong>au vivant.<br />

Musashi savait qu’il n’avait pas intérêt à ce que cela se<br />

prolongeât. Il eût aimé avoir ses adversaires non pas autour de<br />

lui mais déployés en ligne droite – pour <strong>le</strong>s affronter un par un ;<br />

or, il n’avait pas affaire à des amateurs. <strong>La</strong> vérité, c’est qu’aussi<br />

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