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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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accepter <strong>le</strong> défi d’un vagabond effronté de c<strong>et</strong>te sorte. De toute<br />

manière, il n’y a pas de raison pour que personne, en dehors de<br />

c<strong>et</strong>te maison, apprenne quoi que ce soit de l’affaire. Une seu<strong>le</strong><br />

chose importe : ne pas <strong>le</strong> laisser repartir vivant.<br />

Alors même qu’ils discutaient, <strong>le</strong> nombre des hommes qui<br />

se trouvaient dans la sal<strong>le</strong> diminuait de plus de moitié.<br />

Si<strong>le</strong>ncieux comme des chats, ils disparaissaient dans <strong>le</strong> jardin,<br />

vers la porte de derrière <strong>et</strong> dans <strong>le</strong>s pièces intérieures, se<br />

fondant presque imperceptib<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>s ténèbres.<br />

— ... Jeune Maître, nous ne pouvons tarder plus longtemps,<br />

dit Tōji avec ferm<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> il souffla la lampe.<br />

Il tira à demi son <strong>sabre</strong> du fourreau, <strong>et</strong> re<strong>le</strong>va ses manches<br />

de kimono.<br />

Seijūrō demeurait assis. Bien que soulagé dans une certaine<br />

mesure de n’avoir pas à combattre l’inconnu, il n’était<br />

nul<strong>le</strong>ment satisfait. Il devinait que ses discip<strong>le</strong>s avaient une<br />

piètre opinion de ses ta<strong>le</strong>nts. Il songeait combien il avait négligé<br />

de s’exercer depuis la mort de son père, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te idée <strong>le</strong> plongeait<br />

dans l’abattement.<br />

<strong>La</strong> maison devint aussi froide <strong>et</strong> si<strong>le</strong>ncieuse que <strong>le</strong> fond d’un<br />

puits. Incapab<strong>le</strong> de rester en place, Seijūrō se <strong>le</strong>va <strong>et</strong> se mit à la<br />

fenêtre. A travers <strong>le</strong>s portes tendues de papier de la chambre<br />

que l’on avait donnée à Musashi, il pouvait distinguer la douce<br />

lueur tremblante de la lampe. C’était l’unique lumière de toute<br />

la maison.<br />

Un bon nombre d’autres yeux gu<strong>et</strong>taient dans la même<br />

direction. Les assaillants, <strong>le</strong>urs <strong>sabre</strong>s devant eux, par terre,<br />

r<strong>et</strong>enaient <strong>le</strong>ur souff<strong>le</strong> pour percevoir tout bruit capab<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur<br />

indiquer ce que Musashi avait l’intention de faire.<br />

Tōji, malgré ses défauts, avait reçu la formation d’un<br />

samouraï. Il essayait désespérément de deviner ce qu’allait faire<br />

Musashi. « Il a beau être complètement inconnu dans la<br />

capita<strong>le</strong>, c’est un grand guerrier. Se peut-il qu’il soit tout<br />

simp<strong>le</strong>ment assis en si<strong>le</strong>nce dans c<strong>et</strong>te chambre ? Notre<br />

approche a été assez discrète, mais avec tous ces gens qui se<br />

pressent dans sa direction, il doit avoir la puce à l’oreil<strong>le</strong>.<br />

N’importe quel apprenti guerrier l’aurait ; sinon, il serait mort à<br />

l’heure qu’il est... Hum, peut-être qu’il s’est assoupi. Je <strong>le</strong><br />

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