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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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maison dominait la rivière ; entourée d’un haut mur en terre,<br />

é<strong>le</strong>vé sur des fondations de <strong>pierre</strong>, el<strong>le</strong> était beaucoup trop vaste<br />

pour <strong>le</strong>s besoins d’un simp<strong>le</strong> samouraï campagnard. Autrefois<br />

imposante, el<strong>le</strong> tombait en ruine.<br />

Des iris sauvages poussaient sur <strong>le</strong> toit, <strong>et</strong> <strong>le</strong> mur du dōjō où<br />

Munisai enseignait autrefois <strong>le</strong>s arts martiaux était<br />

complètement maculé de déjections blanches d’hirondel<strong>le</strong>s.<br />

Tombé en disgrâce, ayant perdu son rang, Munisai était<br />

mort dans la pauvr<strong>et</strong>é, ce qui se produit souvent aux époques<br />

troublées. Peu après sa mort, ses serviteurs étaient partis ; mais<br />

comme ils étaient tous originaires de Miyamoto, beaucoup<br />

d’entre eux revenaient faire de p<strong>et</strong>ites visites. En ce cas, ils<br />

apportaient des légumes, n<strong>et</strong>toyaient <strong>le</strong>s pièces qui ne servaient<br />

pas, remplissaient d’eau <strong>le</strong>s jarres, balayaient l’allée, <strong>et</strong> de mil<strong>le</strong><br />

autres manières entr<strong>et</strong>enaient la vieil<strong>le</strong> demeure. En outre, ils<br />

bavardaient agréab<strong>le</strong>ment avec la fil<strong>le</strong> de Munisai.<br />

Quand Ogin, qui cousait dans une chambre intérieure,<br />

entendit s’ouvrir la porte de derrière, el<strong>le</strong> crut tout<br />

naturel<strong>le</strong>ment que c’était l’un de ces anciens domestiques.<br />

Absorbée dans son ouvrage, el<strong>le</strong> sursauta lorsqu’Otsū la salua.<br />

— Oh ! dit-el<strong>le</strong>, c’est vous. Vous m’avez fait peur. Je suis<br />

justement en train de finir votre obi. Vous en avez besoin pour<br />

la cérémonie de demain, n’est-ce pas ?<br />

— Oui. Ogin, je tiens à vous remercier de vous donner tant<br />

de peine. J’aurais dû coudre cela moi-même, mais il y avait tant<br />

à faire au temp<strong>le</strong> que je n’en aurais jamais eu <strong>le</strong> temps.<br />

— Je suis heureuse de vous être uti<strong>le</strong>. Les journées sont<br />

longues. Si je ne suis pas occupée, je commence à broyer du<br />

noir.<br />

Otsū, <strong>le</strong>vant la tête, aperçut l’autel domestique. Dessus,<br />

dans un p<strong>et</strong>it plat, vacillait une bougie. A sa faib<strong>le</strong> clarté, el<strong>le</strong> vit<br />

deux inscriptions obscures, soigneusement tracées au pinceau.<br />

El<strong>le</strong>s étaient collées sur des planches, avec devant el<strong>le</strong>s une<br />

offrande d’eau <strong>et</strong> de f<strong>le</strong>urs :<br />

L’âme défunte de Shimmen Takezō, âgé de dix-sept ans.<br />

L’âme défunte de Hon’iden Matahachi, même âge.<br />

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