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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Tandis qu’il se <strong>le</strong>vait, Takuan, tout en <strong>le</strong> surveillant du coin<br />

de l’œil, lui demanda placidement :<br />

— Hum... Comment faire pour prendre garde à moi ?<br />

Le capitaine, son <strong>sabre</strong> dans son fourreau à la main, hurla :<br />

— Je n’en supporterai pas davantage ! Tu vas recevoir ce<br />

que tu mérites !<br />

Takuan éclata de rire.<br />

— Cela veut-il dire que vous avez l’intention de me couper la<br />

tête ? Si oui, n’y songez plus. Ce serait assommant.<br />

— Hein ?<br />

— Assommant. Je ne connais rien de plus assommant que<br />

de couper la tête à un moine. El<strong>le</strong> tomberait tout simp<strong>le</strong>ment<br />

par terre <strong>et</strong> resterait là, à vous regarder en riant. Pas une grande<br />

action d’éclat, <strong>et</strong> quel bien cela pourrait-il vous faire ?<br />

— Mon Dieu, gronda <strong>le</strong> capitaine, disons seu<strong>le</strong>ment que<br />

j’aurais la satisfaction de fermer ta sa<strong>le</strong> gueu<strong>le</strong>. Tu en aurais, du<br />

mal, à garder pour toi ton inso<strong>le</strong>nt bavardage !<br />

Rempli du courage que <strong>le</strong>s gens de son espèce puisent dans<br />

<strong>le</strong> fait d’avoir une arme à la main, il éclata d’un vilain rire<br />

caverneux <strong>et</strong> s’avança d’un air menaçant.<br />

— Voyons, capitaine !<br />

Les façons désinvoltes de Takuan l’avaient mis dans une<br />

tel<strong>le</strong> fureur que la main avec laquel<strong>le</strong> il tenait son fourreau<br />

tremblait vio<strong>le</strong>mment. Pour essayer de protéger Takuan, Otsū<br />

se glissa entre <strong>le</strong>s deux hommes.<br />

— ... Qu’est-ce que tu nous chantes là, Takuan ? dit-el<strong>le</strong><br />

dans l’espoir de détendre l’atmosphère <strong>et</strong> de gagner du temps.<br />

On ne par<strong>le</strong> pas ainsi à un guerrier. Allons, présente tes excuses,<br />

supplia-t-el<strong>le</strong>. Allons, demande pardon au capitaine.<br />

Mais Takuan était loin d’en avoir terminé.<br />

— Ecarte-toi, Otsū. Tout va bien pour moi. Crois-tu<br />

vraiment que je me laisserais décapiter par un benêt comme<br />

celui-ci qui, bien qu’il commande à des dizaines <strong>et</strong> des dizaines<br />

d’hommes capab<strong>le</strong>s, armés, a gaspillé vingt jours à tenter de<br />

r<strong>et</strong>rouver un seul fugitif épuisé, à moitié mort de faim ? S’il est<br />

trop bête pour trouver Takezō, il serait vraiment stupéfiant qu’il<br />

pût me duper, moi !<br />

— Ne bouge pas ! commanda <strong>le</strong> capitaine.<br />

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