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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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L’orage était passé, comme balayé, <strong>et</strong> la brise caressait sa<br />

peau, bien différente du vent furieux de la veil<strong>le</strong>.<br />

<strong>La</strong> rivière Kamo était haute, l’eau boueuse. A une extrémité<br />

du pont de bois de l’avenue Sanjō, des samouraïs inspectaient<br />

tous <strong>le</strong>s passants. Musashi demanda la raison de c<strong>et</strong>te<br />

inspection ; on lui répondit que c’était à cause de la visite<br />

imminente du nouveau Shōgun. Une avant-garde de seigneurs<br />

féodaux influents était déjà arrivée, <strong>et</strong> l’on prenait des mesures<br />

pour écarter de la vil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s dangereux rōnins. Musashi, rōnin luimême,<br />

donna des réponses toutes prêtes aux questions posées,<br />

<strong>et</strong> fut autorisé à passer.<br />

C<strong>et</strong> incident l’amena à réfléchir sur sa propre condition de<br />

guerrier errant, sans maître, n’ayant voué obéissance ni aux<br />

Tokugawas ni à <strong>le</strong>urs rivaux d’Osaka. Son escapade à<br />

Sekigahara dans <strong>le</strong> camp des forces d’Osaka, contre <strong>le</strong>s<br />

Tokugawas, était une affaire héréditaire. Tel<strong>le</strong> avait été<br />

l’allégeance de son père, inchangée depuis l’époque où il servait<br />

<strong>le</strong> seigneur Shimmen d’Iga. Toyotomi Hideyoshi était mort deux<br />

ans avant la batail<strong>le</strong> ; ses partisans, fidè<strong>le</strong>s à son fils, formèrent<br />

la faction d’Osaka. A Miyamoto, Hideyoshi était considéré<br />

comme <strong>le</strong> plus grand héros ; Musashi se rappelait comment,<br />

enfant, assis au coin du feu, il avait écouté l’histoire des<br />

prouesses du grand guerrier. Ces idées conçues dans sa jeunesse<br />

s’attardaient en lui, <strong>et</strong> maintenant encore, si on l’avait pressé de<br />

dire quel camp il préférait, il aurait probab<strong>le</strong>ment répondu<br />

Osaka.<br />

Musashi, depuis lors, avait appris un certain nombre de<br />

choses ; il reconnaissait maintenant que ses actions, à l’âge de<br />

dix-sept ans, avaient été à la fois irréfléchies <strong>et</strong> sans éclat. Pour<br />

servir avec fidélité son seigneur il ne suffisait pas de s’élancer<br />

aveuglément dans la mêlée en brandissant une lance. Il fallait<br />

al<strong>le</strong>r jusqu’au bout, jusqu’aux confins de la mort.<br />

« Si un samouraï meurt avec aux lèvres une prière pour la<br />

victoire de son seigneur, il a fait quelque chose de beau <strong>et</strong><br />

d’important » : voilà comment Musashi aurait maintenant<br />

exprimé cela. Mais à l’époque, ni lui ni Matahachi n’avaient eu<br />

<strong>le</strong> moindre sens de ce qu’était <strong>le</strong> loyalisme. Ils avaient soif de<br />

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