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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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au service d’un seigneur. Il fonda une éco<strong>le</strong> d’escrime. Le plus<br />

important, c’est qu’il passa progressivement de l’état de<br />

combattant instinctif à celui de l’homme qui s’efforce avec<br />

fanatisme d’atteindre <strong>le</strong>s buts d’une autodiscipline de type Zen,<br />

la complète maîtrise intérieure de soi-même <strong>et</strong> un sentiment<br />

d’unité avec la nature environnante. Bien que dans sa jeunesse<br />

<strong>le</strong>s combats mortels, évocateurs des tournois de l’Europe<br />

médiéva<strong>le</strong>, fussent encore possib<strong>le</strong>s, <strong>Yoshikawa</strong> nous peint<br />

Musashi en train de transformer consciemment ses ta<strong>le</strong>nts<br />

martiaux du service militaire en un moyen de se former <strong>le</strong><br />

caractère en temps de paix. Ta<strong>le</strong>nts martiaux, autodiscipline<br />

spirituel<strong>le</strong> <strong>et</strong> sensibilité esthétique se fondent en un tout unique,<br />

homogène. Ce portrait de Musashi n’est peut-être pas éloigné de<br />

la vérité historique. On sait qu’il fut peintre de ta<strong>le</strong>nt <strong>et</strong><br />

sculpteur accompli, aussi bien qu’escrimeur.<br />

Le Japon du début du XVII e sièc<strong>le</strong>, qu’incarne Musashi,<br />

survit intensément dans la conscience japonaise. Le long règne<br />

plutôt statique des Tokugawas a conservé une bonne part de ses<br />

formes <strong>et</strong> de son esprit, bien que de manière un peu sclérosée,<br />

jusqu’au milieu du XIX e sièc<strong>le</strong>, il n’y a guère plus de cent ans.<br />

<strong>Yoshikawa</strong> lui-même était fils d’un ancien samouraï qui, pareil à<br />

la plupart des membres de sa classe, ne réussit pas la transition<br />

économique avec <strong>le</strong>s temps nouveaux. Au sein du nouveau<br />

Japon, <strong>le</strong>s samouraïs eux-mêmes eurent beau sombrer en<br />

grande partie dans l’obscurité, la plupart des nouveaux chefs<br />

furent originaires de c<strong>et</strong>te classe féoda<strong>le</strong>, dont <strong>le</strong> nouveau<br />

système d’éducation obligatoire popularisa l’image pour former<br />

l’arrière-plan spirituel <strong>et</strong> moral de toute la nation japonaise. Des<br />

romans tels que <strong>La</strong> Pierre <strong>et</strong> <strong>le</strong> Sabre, ainsi que <strong>le</strong>s films <strong>et</strong><br />

pièces de théâtre qui en furent tirés, ont favorisé ce processus.<br />

L’époque de Musashi est aussi proche <strong>et</strong> réel<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong>s<br />

Japonais modernes, que la guerre de Sécession pour <strong>le</strong>s<br />

Américains. <strong>La</strong> comparaison avec Autant en emporte <strong>le</strong> vent n’a<br />

donc rien d’outré. L’époque des samouraïs demeure très vivante<br />

dans la mémoire japonaise. Contrairement à l’image qui <strong>le</strong>s<br />

présente comme de simp<strong>le</strong>s « animaux économiques »<br />

grégaires, de nombreux Japonais préfèrent se considérer<br />

comme des Musashi modernes, farouchement individualistes,<br />

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