14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

— Aucun de nous n’en sait rien. Nous avons peur du<br />

seigneur du district. Nous ne faisons que ce qu’on nous dit de<br />

faire, voilà tout.<br />

— Où ont-ils emmené ma sœur ?<br />

— Le bruit court qu’ils l’ont emmenée à la palanque de<br />

Hinagura, mais je ne sais pas si c’est vrai.<br />

— Hinagura... répéta Takezō.<br />

Ses yeux se tournèrent vers la chaîne de montagnes qui<br />

marquait la frontière de la province. L’ombre des nuages gris du<br />

soir tach<strong>et</strong>ait déjà <strong>le</strong>s crêtes.<br />

Takezō relâcha l’homme. En <strong>le</strong> regardant déta<strong>le</strong>r, heureux<br />

de sauver sa pauvre existence, Takezō s’écœura de la lâch<strong>et</strong>é<br />

humaine, lâch<strong>et</strong>é qui poussait des samouraïs à accuser une<br />

femme sans défense. Il fut content de se r<strong>et</strong>rouver seul. Il avait à<br />

réfléchir.<br />

Il ne fut pas long à se décider. « Je dois sauver Ogin, un<br />

point c’est tout. Ma pauvre sœur ! S’ils lui ont fait du mal, je <strong>le</strong>s<br />

tuerai tous. » Ayant choisi son plan d’action, il descendit vers <strong>le</strong><br />

village à longues enjambées d’homme.<br />

Deux heures plus tard, Takezō s’approchait de nouveau<br />

furtivement du Shippōji. <strong>La</strong> cloche du soir venait de s’arrêter de<br />

sonner. Il faisait déjà sombre ; on apercevait <strong>le</strong>s lumières du<br />

temp<strong>le</strong> même, de la cuisine <strong>et</strong> des logements des prêtres, où l’on<br />

allait <strong>et</strong> venait.<br />

« Si seu<strong>le</strong>ment Otsū pouvait sortir ! » pensa-t-il.<br />

Il se tapit, immobi<strong>le</strong>, sous <strong>le</strong> passage suré<strong>le</strong>vé reliant <strong>le</strong>s<br />

logements des prêtres au temp<strong>le</strong> même. L’odeur de la<br />

nourriture que l’on préparait flottait dans l’air, évoquant des<br />

images de riz <strong>et</strong> de soupe fumante. Depuis quelques jours,<br />

Takezō n’avait eu dans l’estomac que de la chair crue d’oiseau <strong>et</strong><br />

des pousses d’herbe, <strong>et</strong> maintenant son estomac se révoltait. <strong>La</strong><br />

gorge lui brûlait tandis que lui revenaient d’aigres sucs<br />

gastriques ; sa détresse <strong>le</strong> fit suffoquer.<br />

— Qu’est-ce que c’était ? dit une voix.<br />

— Sans doute un simp<strong>le</strong> chat, répondit Otsū qui sortait<br />

chargée d’un plateau pour <strong>le</strong> dîner, <strong>et</strong> traversait <strong>le</strong> passage, juste<br />

au-dessus de la tête de Takezō.<br />

76

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!