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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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ossignols lui purifiaient l’esprit. Aucune trace de lassitude ne<br />

subsistait : c’était une renaissance.<br />

Il se frotta <strong>le</strong>s yeux ; puis il vit <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il rouge vif émerger des<br />

montagnes. Il sauta sur ses pieds. <strong>La</strong> cha<strong>le</strong>ur du so<strong>le</strong>il avait déjà<br />

ranimé son ardeur, <strong>et</strong> la force accumulée dans ses membres<br />

exigeait l’action. Tout en s’étirant, il dit avec douceur :<br />

« Aujourd’hui, c’est <strong>le</strong> grand jour. »<br />

Il avait faim, ce qui, pour une raison quelconque, lui fit<br />

penser à Jōtarō. Peut-être avait-il traité l’enfant avec trop de<br />

rudesse, la veil<strong>le</strong> au soir, mais c’était voulu, cela faisait partie de<br />

l’entraînement du garçon. Musashi se répéta que Jōtarō, où<br />

qu’il fût, ne courait aucun danger sérieux.<br />

Il écoutait <strong>le</strong> murmure du ruisseau qui coulait du flanc de la<br />

montagne, serpentait à l’intérieur de l’enclos, contournait <strong>le</strong><br />

bosqu<strong>et</strong> de bambou puis ressortait de sous la clôture pour<br />

gagner la partie inférieure du domaine. Musashi se lava <strong>le</strong><br />

visage <strong>et</strong> but jusqu’à plus soif en guise de p<strong>et</strong>it déjeuner. L’eau<br />

était bonne, si bonne que <strong>le</strong> jeune homme supposa qu’el<strong>le</strong><br />

constituait la raison principa<strong>le</strong> du choix de ce lieu par<br />

Sekishūsai pour se r<strong>et</strong>irer du monde. Pourtant, ignorant tout de<br />

l’art de la cérémonie du thé, il ne se doutait pas qu’une eau<br />

d’une tel<strong>le</strong> pur<strong>et</strong>é exauçait <strong>le</strong>s vœux d’un maître du thé.<br />

Il rinça sa servi<strong>et</strong>te dans <strong>le</strong> cours d’eau, <strong>et</strong>, s’étant bien<br />

frotté la nuque, se cura <strong>le</strong>s ong<strong>le</strong>s. Puis il se coiffa avec <strong>le</strong> styl<strong>et</strong><br />

attaché à son <strong>sabre</strong>. Sekishūsai était non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> maître du<br />

sty<strong>le</strong> Yagyū mais l’un des plus grands hommes du pays, aussi<br />

Musashi entendait-il se montrer à son avantage ; lui-même<br />

n’était qu’un guerrier anonyme, aussi différent de Sekishūsai<br />

que de la lune la plus infime étoi<strong>le</strong>.<br />

Tout en se tapotant <strong>le</strong>s cheveux <strong>et</strong> en se redressant <strong>le</strong> col, il<br />

éprouvait un calme intérieur. Il avait l’esprit clair ; il était bien<br />

décidé à frapper au portail comme n’importe quel visiteur<br />

ordinaire.<br />

<strong>La</strong> maison se trouvait à bonne distance, sur la pente de la<br />

colline, <strong>et</strong> il y avait peu de chance que l’on pût entendre.<br />

Musashi regarda autour de lui, en quête d’un heurtoir<br />

quelconque <strong>et</strong> vit deux pancartes, de part <strong>et</strong> d’autre du portail.<br />

El<strong>le</strong>s étaient merveil<strong>le</strong>usement gravées ; l’on avait rempli <strong>le</strong><br />

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