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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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<strong>et</strong>roussait fortement vers <strong>le</strong> haut de la façon la plus inquiétante<br />

que l’on pût imaginer. Il ne s’agissait manifestement pas d’une<br />

face fictive, inventée par l’artiste, mais du portrait d’une vraie<br />

fol<strong>le</strong> bien vivante, très bel<strong>le</strong> <strong>et</strong> pourtant possédée.<br />

— Tu ne peux avoir cela, dit la veuve avec ferm<strong>et</strong>é en<br />

essayant de reprendre à l’enfant <strong>le</strong> masque.<br />

Jōtarō, l’évitant, se mit <strong>le</strong> masque au somm<strong>et</strong> de la tête <strong>et</strong><br />

gambada à travers la chambre ; il criait d’un ton de défi :<br />

— Vous n’en avez pas besoin ! Il est à moi, maintenant ; je<br />

vais <strong>le</strong> garder !<br />

Musashi, surpris <strong>et</strong> embarrassé par <strong>le</strong> comportement de son<br />

pupil<strong>le</strong>, tenta de l’attraper ; mais Jōtarō fourra <strong>le</strong> masque dans<br />

son kimono <strong>et</strong> s’enfuit au bas de l’escalier, la veuve à ses<br />

trousses. El<strong>le</strong> riait, pas fâchée du tout, mais assurément, el<strong>le</strong><br />

n’entendait point se séparer du masque.<br />

Bientôt, Jōtarō regrimpa <strong>le</strong>ntement <strong>le</strong>s marches. Musashi,<br />

prêt à <strong>le</strong> tancer d’importance, était assis face à la porte. Mais en<br />

entrant, l’enfant cria : « Hou ! » <strong>et</strong> tendit <strong>le</strong> masque devant lui.<br />

Musashi tressaillit ; ses musc<strong>le</strong>s se raidirent, <strong>et</strong> ses genoux<br />

frémirent malgré lui.<br />

Il se demanda pourquoi la farce de Jōtarō lui faisait un eff<strong>et</strong><br />

pareil ; mais en contemplant <strong>le</strong> masque dans la pénombre, il<br />

entrevit la vérité. Le cise<strong>le</strong>ur avait mis dans sa création quelque<br />

chose de diabolique. Ce sourire en demi-lune, r<strong>et</strong>roussé du côté<br />

gauche de la face blanche, était hanté, possédé d’un démon.<br />

— ... Eh bien, partons, dit Jōtarō.<br />

Musashi répondit sans se <strong>le</strong>ver :<br />

— Pourquoi n’as-tu pas encore rendu ce masque ? Qu’as-tu<br />

à faire d’un obj<strong>et</strong> pareil ?<br />

— Mais el<strong>le</strong> a dit que je pouvais <strong>le</strong> garder ! El<strong>le</strong> me l’a<br />

donné.<br />

— C’est faux ! Descends immédiatement <strong>le</strong> lui rendre.<br />

— Mais el<strong>le</strong> me l’a donné ! Quand j’ai proposé de <strong>le</strong> rendre,<br />

el<strong>le</strong> a dit que si j’y tenais tant que ça je pouvais <strong>le</strong> garder. El<strong>le</strong><br />

voulait seu<strong>le</strong>ment être sûre que j’en prendrais bien soin ; je <strong>le</strong><br />

lui ai promis.<br />

— Qu’est-ce que je vais faire de toi !<br />

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