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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Si toutefois il perdait un combat, il ne l’oubliait jamais. Il<br />

gu<strong>et</strong>tait son ennemi jusqu’à ce qu’il ne fût plus sur ses gardes –<br />

dans un endroit sombre, endormi au lit, aux toil<strong>et</strong>tes, même –,<br />

puis l’attaquait de toutes ses forces. Vaincre Kojirō, c’était se<br />

faire un implacab<strong>le</strong> ennemi.<br />

En grandissant, il se mit à par<strong>le</strong>r de lui-même comme d’un<br />

génie.<br />

C’était plus qu’une fanfaronnade : aussi bien Jisai qu’Ittōsai<br />

en avaient reconnu la véracité. Non plus qu’il n’inventait<br />

lorsqu’il prétendait avoir appris à faucher des moineaux en vol<br />

<strong>et</strong> s’être créé son propre sty<strong>le</strong>. Ce qui amenait <strong>le</strong>s gens du<br />

voisinage à <strong>le</strong> considérer comme un « sorcier », appréciation<br />

qu’il approuvait de tout son cœur.<br />

Quel<strong>le</strong> forme au juste prenait sa tenace volonté de<br />

domination lorsque Kojirō était amoureux d’une femme, nul ne<br />

<strong>le</strong> savait. Mais il ne pouvait y avoir aucun doute là-dessus : il<br />

voulait en faire à sa tête. Lui-même, pourtant, ne voyait pas <strong>le</strong><br />

moindre rapport entre son escrime <strong>et</strong> ses amours. Il ne<br />

comprenait pas du tout pourquoi il déplaisait à Akemi alors<br />

qu’il l’aimait tant.<br />

Tandis qu’il méditait sur ses problèmes de cœur, il<br />

remarqua une silhou<strong>et</strong>te en train d’al<strong>le</strong>r <strong>et</strong> venir sous l’arbre,<br />

inconsciente de sa présence.<br />

— Mais il y a là un homme à terre ! disait l’inconnu.<br />

Il se pencha pour l’examiner de plus près, <strong>et</strong> s’exclama :<br />

— ... C’est ce coquin de chez <strong>le</strong> marchand de saké !<br />

Il s’agissait du moine itinérant. Lui en<strong>le</strong>vant son sac à dos, il<br />

observa :<br />

— ... Il ne paraît pas b<strong>le</strong>ssé. Et son corps est chaud.<br />

En <strong>le</strong> palpant, il trouva <strong>le</strong> cordon sous l’obi de Matahachi, <strong>le</strong><br />

défit <strong>et</strong> lui lia <strong>le</strong>s mains derrière <strong>le</strong> dos. Puis il mit ses propres<br />

genoux au creux des reins de Matahachi, <strong>et</strong> lui tira <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s<br />

en arrière en exerçant une pression considérab<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> p<strong>le</strong>xus<br />

solaire. Avec un gémissement étouffé, Matahachi revint à lui. Le<br />

moine <strong>le</strong> transporta comme un sac de pommes de terre à un<br />

arbre, <strong>et</strong> l’appuya contre <strong>le</strong> tronc.<br />

— ... Debout ! dit-il sèchement, en soulignant son propos<br />

d’un coup de pied. Allons, debout !<br />

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