14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

— Oh ! s’exclama-t-il avec enjouement, j’ai cru sentir<br />

quelque chose de bon ! L’on vend des palourdes grillées dans<br />

c<strong>et</strong>te maison de thé, là-bas, près de la plage. Allons donc en<br />

déguster.<br />

Ni la mère, ni <strong>le</strong> fils ne manifestèrent beaucoup<br />

d’enthousiasme, mais l’onc<strong>le</strong> Gon parvint à <strong>le</strong>s entraîner à la<br />

guingu<strong>et</strong>te abritée de minces stores de roseaux. Tandis que <strong>le</strong>s<br />

deux autres s’installaient sur un banc, dehors, il entra <strong>et</strong> revint<br />

avec du saké.<br />

Il en offrit une coupe à Osugi en disant avec amabilité :<br />

— Voilà qui remontera un peu <strong>le</strong> moral de Matahachi. Peutêtre<br />

es-tu un peu trop dure envers lui.<br />

Osugi détourna <strong>le</strong>s yeux <strong>et</strong> répliqua sèchement :<br />

— Je ne veux rien boire.<br />

L’onc<strong>le</strong> Gon, pris à son propre piège, tendit la coupe à<br />

Matahachi qui, bien que toujours à rebrousse-poil, entreprit<br />

d’en vider trois jarres aussi vite qu’il put, sachant parfaitement<br />

que cela ferait blêmir sa mère. Lorsqu’il en demanda une<br />

quatrième à l’onc<strong>le</strong> Gon, Osugi fut dans l’incapacité de se<br />

contenir plus longtemps.<br />

— Assez ! gronda-t-el<strong>le</strong>. Ce n’est pas un pique-nique, <strong>et</strong> nous<br />

ne sommes pas venus ici pour nous enivrer ! Et prends garde à<br />

toi aussi, onc<strong>le</strong> Gon ! Tu es plus vieux que Matahachi, <strong>et</strong> devrais<br />

être plus raisonnab<strong>le</strong>.<br />

L’onc<strong>le</strong> Gon, aussi mortifié que si lui seul avait bu, tenta de<br />

se cacher la figure en se passant <strong>le</strong>s mains dessus.<br />

— Oui, tu as parfaitement raison, dit-il avec humilité.<br />

Il se <strong>le</strong>va <strong>et</strong> s’éloigna de quelques pas.<br />

Alors, cela commença pour de bon car Matahachi avait<br />

piqué au vif <strong>le</strong> vio<strong>le</strong>nt, anxieux mais aigre sentiment maternel<br />

d’Osugi, <strong>et</strong> il n’était pas question qu’el<strong>le</strong> attendît <strong>le</strong> r<strong>et</strong>our à<br />

l’auberge. El<strong>le</strong> l’attaqua furieusement, sans se soucier d’être<br />

entendue par <strong>le</strong>s autres consommateurs. Jusqu’à ce qu’el<strong>le</strong> eût<br />

terminé, Matahachi la regarda fixement avec une expression de<br />

désobéissance maussade.<br />

— Très bien, dit-il. Si je comprends bien, tu as décrété que je<br />

suis un ours ingrat <strong>et</strong> sans amour-propre. Je me trompe ?<br />

436

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!