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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Maintenant que c’était fini, il se disait : « Quel dommage !<br />

J’aurais bien voulu éviter cela. » Et dans son cœur il priait pour<br />

que la b<strong>le</strong>ssure guérît vite.<br />

Mais il avait accompli sa tâche, <strong>et</strong> un grand guerrier ne<br />

passe pas son temps à se lamenter sur <strong>le</strong> passé.<br />

Comme il pressait <strong>le</strong> pas, <strong>le</strong> visage effrayé d’une femme âgée<br />

apparut au-dessus de l’herbe. El<strong>le</strong> avait gratté <strong>le</strong> sol,<br />

apparemment à la recherche de quelque chose, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s pas du<br />

jeune homme l’avaient saisie. Vêtue d’un kimono léger <strong>et</strong><br />

simp<strong>le</strong>, on l’eût à peine distinguée de l’herbe, mis à part <strong>le</strong><br />

cordon pourpre qui maintenait son manteau. Bien qu’el<strong>le</strong> portât<br />

des vêtements laïcs, la coiffe qui cachait sa tête ronde était cel<strong>le</strong><br />

d’une religieuse. El<strong>le</strong> était frê<strong>le</strong> <strong>et</strong> d’aspect distingué.<br />

Musashi fut aussi étonné que c<strong>et</strong>te femme. Encore trois ou<br />

quatre pas, <strong>et</strong> il eût risqué de lui marcher dessus.<br />

— Qu’est-ce que vous cherchez ? demanda-t-il aimab<strong>le</strong>ment.<br />

Il apercevait à son bras, sous sa manche, un chapel<strong>et</strong> de<br />

corail ; l’autre main portait un panier de plantes sauvages. Ses<br />

doigts <strong>et</strong> <strong>le</strong> chapel<strong>et</strong> tremblaient légèrement. Pour la m<strong>et</strong>tre à<br />

l’aise, Musashi déclara d’un ton enjoué :<br />

— ... Je suis surpris que la verdure soit aussi précoce. Nous<br />

tenons <strong>le</strong> printemps. Hum, je vois que vous avez là du beau<br />

persil <strong>et</strong> du colza. Vous avez cueilli tout cela vous-même ?<br />

<strong>La</strong> vieil<strong>le</strong> nonne lâcha son panier, <strong>et</strong> prit ses jambes à son<br />

cou en criant :<br />

— Kō<strong>et</strong>su ! Kō<strong>et</strong>su !<br />

Musashi stupéfait regardait la p<strong>et</strong>ite silhou<strong>et</strong>te battre en<br />

r<strong>et</strong>raite vers une légère éminence, dans <strong>le</strong> champ plat de l’autre<br />

côté. Derrière, s’é<strong>le</strong>vait une mince volute de fumée.<br />

Il se dit qu’il serait dommage pour el<strong>le</strong> de perdre ses<br />

légumes après s’être donné tant de mal pour <strong>le</strong>s trouver ; il <strong>le</strong>s<br />

ramassa donc <strong>et</strong>, <strong>le</strong> panier à la main, partit à sa suite. Au bout<br />

d’une ou deux minutes, deux hommes apparurent.<br />

Ils avaient déployé une couverture sur <strong>le</strong> flanc sud,<br />

enso<strong>le</strong>illé, d’une pente douce. On voyait éga<strong>le</strong>ment divers<br />

accessoires utilisés par <strong>le</strong>s adeptes du culte du thé, dont une<br />

bouilloire en fer suspendue au-dessus d’un feu, flanquée d’une<br />

cruche d’eau. Considérant comme <strong>le</strong>ur jardin l’environnement<br />

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