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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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était-il devenu soudain amical <strong>et</strong> avait-il envoyé chercher un<br />

supplément de saké ? Pourquoi sa désagréab<strong>le</strong> épouse était-el<strong>le</strong><br />

brusquement devenue douce <strong>et</strong> prévenante ? Pourquoi lui avaiton<br />

donné ce lit bien chaud ?<br />

Tout cela semblait inexplicab<strong>le</strong> ; mais avant que Musashi<br />

n’eût résolu ce mystère, la torpeur l’envahit. Il ferma <strong>le</strong>s yeux,<br />

prit quelques respirations profondes, <strong>et</strong> remonta <strong>le</strong>s<br />

couvertures. Seul, son front demeurait visib<strong>le</strong>, éclairé de temps<br />

en temps par <strong>le</strong>s étincel<strong>le</strong>s du foyer. Peu à peu, l’on entendit une<br />

respiration profonde <strong>et</strong> régulière.<br />

L’épouse de Baiken se r<strong>et</strong>ira sur la pointe des pieds dans la<br />

chambre du fond.<br />

Musashi eut un rêve, ou plutôt un fragment de rêve<br />

incessamment répété. Un souvenir d’enfance vol<strong>et</strong>ait comme un<br />

insecte dans son esprit assoupi, essayant, semblait-il, d’écrire<br />

quelque chose en l<strong>et</strong>tres lumineuses. Il entendait <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s<br />

d’une berceuse :<br />

Dors, dors.<br />

Les bébés qui dorment sont gentils...<br />

De r<strong>et</strong>our à la maison, au Mimasaka, il entendait la<br />

berceuse qu’avait chantée en dia<strong>le</strong>cte d’Isa la femme du<br />

forgeron. Il était bébé dans <strong>le</strong>s bras d’une femme au teint clair<br />

d’une trentaine d’années... sa mère... C<strong>et</strong>te femme devait être sa<br />

mère. Contre la poitrine de sa mère, il <strong>le</strong>vait <strong>le</strong>s yeux vers son<br />

pâ<strong>le</strong> visage.<br />

«... méchants, <strong>et</strong> ils font p<strong>le</strong>urer <strong>le</strong>ur mère aussi... » En <strong>le</strong><br />

berçant dans ses bras, sa mère chantait avec douceur. Son fin<br />

visage distingué paraissait légèrement b<strong>le</strong>uâtre, comme une<br />

f<strong>le</strong>ur de poirier. Il y avait un mur, un long mur de <strong>pierre</strong>, sur<br />

<strong>le</strong>quel poussait de l’hépatique. Et un mur en terre au-dessus de<br />

quoi des branches s’assombrissaient dans la nuit tombante. De<br />

la maison rayonnait la lumière d’une lampe. Des larmes<br />

brillaient sur <strong>le</strong>s joues de sa mère. Le bébé regardait avec<br />

étonnement <strong>le</strong>s larmes.<br />

— Va-t’en ! R<strong>et</strong>ourne chez toi !<br />

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