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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Les bras toujours tenus par Kizaemon <strong>et</strong> Debuchi, Musashi<br />

<strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> ciel. Il y eut un bruit de battement d’ai<strong>le</strong>s<br />

tandis qu’un aig<strong>le</strong> volait vers eux, venu des ténèbres qui<br />

enveloppaient <strong>le</strong> mont Kasagi. Comme un gigantesque linceul,<br />

sa silhou<strong>et</strong>te cacha <strong>le</strong>s étoi<strong>le</strong>s avant de glisser vers <strong>le</strong> toit du<br />

magasin de riz.<br />

Pour <strong>le</strong>s quatre officiers, <strong>le</strong> mot « guerre » avait quelque<br />

chose de si ronflant qu’il en était risib<strong>le</strong> ; mais pour Musashi, il<br />

suffisait à peine à exprimer ce qui allait se produire. Il ne parlait<br />

pas d’un assaut d’escrime dont déciderait la seu<strong>le</strong> adresse<br />

technique. Il voulait dire une guerre tota<strong>le</strong>, où <strong>le</strong>s combattants<br />

concentrent tout <strong>le</strong>ur esprit <strong>et</strong> toute <strong>le</strong>ur habil<strong>et</strong>é... <strong>et</strong> où <strong>le</strong>ur<br />

destin se joue. Une batail<strong>le</strong> entre deux armées peut être<br />

différente dans la forme, mais el<strong>le</strong> est essentiel<strong>le</strong>ment la même.<br />

C’était simp<strong>le</strong> : une batail<strong>le</strong> entre un homme <strong>et</strong> un château. <strong>La</strong><br />

volonté de Musashi se manifestait dans la ferm<strong>et</strong>é avec laquel<strong>le</strong><br />

ses talons se trouvaient maintenant plantés dans <strong>le</strong> sol. C’était<br />

c<strong>et</strong>te volonté de fer qui faisait venir tout naturel<strong>le</strong>ment à ses<br />

lèvres <strong>le</strong> mot de « guerre ».<br />

Les quatre hommes scrutaient son visage en se demandant<br />

à nouveau s’il lui restait une once de santé menta<strong>le</strong>.<br />

Kimura re<strong>le</strong>va <strong>le</strong> défi. <strong>La</strong>nçant en l’air, d’un coup de pied,<br />

ses sanda<strong>le</strong>s de pail<strong>le</strong>, <strong>et</strong> r<strong>et</strong>roussant son hakama, il s’écria :<br />

— Parfait ! Je n’aime rien tant qu’une bonne guerre ! Je ne<br />

puis t’offrir des rou<strong>le</strong>ments de tambour ou des coups de gong,<br />

mais je peux te proposer <strong>le</strong> combat. Shōda, Debuchi, poussez-<strong>le</strong><br />

par ici.<br />

Kimura avait été <strong>le</strong> premier à déclarer qu’ils devaient punir<br />

Musashi, mais il s’était r<strong>et</strong>enu en tâchant d’être patient.<br />

Maintenant, il n’en pouvait plus.<br />

— ... Al<strong>le</strong>z ! insistait-il. <strong>La</strong>issez-<strong>le</strong>-moi !<br />

A la même seconde exactement, Kizaemon <strong>et</strong> Debuchi<br />

poussèrent Musashi en avant. Il trébucha de quatre ou cinq pas<br />

en direction de Kimura. Celui-ci recula d’un pas, <strong>le</strong>va <strong>le</strong> coude<br />

au-dessus de son visage, <strong>et</strong>, prenant une grande respiration,<br />

abattit rapidement son <strong>sabre</strong> vers la forme chancelante de<br />

Musashi. L’arme fendit l’air avec un curieux bruit grinçant.<br />

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