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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Eh bien, je n’ai pu <strong>le</strong> trouver nul<strong>le</strong> part, <strong>et</strong> <strong>le</strong> boutiquier<br />

dit qu’il n’a pas vu par ici de samouraï comme ça. Il doit y avoir<br />

eu erreur.<br />

Jōtarō, quoique déçu, n’était pas découragé.<br />

Otsū eût volontiers reconnu qu’el<strong>le</strong> n’avait eu aucune raison<br />

d’espérer autant qu’el<strong>le</strong> l’avait fait ; mais la désinvolture de la<br />

réponse de Jōtarō l’agaça. Choquée <strong>et</strong> un peu irritée par son<br />

indifférence, el<strong>le</strong> lui dit :<br />

— L’as-tu cherché là-bas ?<br />

— Oui.<br />

— Et derrière <strong>le</strong> poteau indicateur de Kōshin ?<br />

— J’ai regardé. Il n’y est pas.<br />

— Derrière <strong>le</strong> salon de thé ?<br />

— Je vous l’ai dit. Il n’est pas là !<br />

Otsū détourna son visage.<br />

— ... Vous p<strong>le</strong>urez ? demanda-t-il.<br />

— Ça ne te regarde pas, répondit-el<strong>le</strong> avec vivacité.<br />

— Je ne vous comprends pas. <strong>La</strong> plupart du temps, vous<br />

avez l’air sensée, mais il vous arrive de vous comporter comme<br />

un bébé. Comment pouvions-nous savoir si l’histoire de Sannojō<br />

était vraie ou non ? Toute seu<strong>le</strong>, vous avez décrété qu’el<strong>le</strong> était<br />

vraie, <strong>et</strong> maintenant que vous constatez qu’el<strong>le</strong> ne l’était pas,<br />

vous fondez en larmes. Les femmes sont fol<strong>le</strong>s ! s’exclama<br />

Jōtarō en éclatant de rire.<br />

Otsū avait envie de s’asseoir à l’endroit même où el<strong>le</strong> se<br />

trouvait, <strong>et</strong> de renoncer. En une seconde, la lumière de sa vie<br />

s’était éteinte. El<strong>le</strong> se sentait aussi privée d’espérance qu’avant...<br />

non, plus encore. Dans la bouche de Jōtarō qui riait, <strong>le</strong>s dents<br />

de lait gâtées la dégoûtaient. El<strong>le</strong> se demandait avec irritation ce<br />

qui l’obligeait à traîner à sa remorque un enfant pareil. El<strong>le</strong> eut<br />

un vio<strong>le</strong>nt désir de l’abandonner sur-<strong>le</strong>-champ.<br />

Certes, il recherchait Musashi, lui aussi, mais il ne l’aimait<br />

que comme un maître. Pour el<strong>le</strong>, Musashi, c’était la vie même.<br />

Jōtarō pouvait se conso<strong>le</strong>r de tout par un éclat de rire, <strong>et</strong><br />

redevenir en un clin d’œil aussi enjoué que d’habitude ; mais<br />

Otsū, des jours durant, serait privée de l’énergie nécessaire pour<br />

continuer. Quelque part au fond de la jeune âme de Jōtarō, il y<br />

avait la certitude joyeuse qu’un jour, tôt ou tard, il r<strong>et</strong>rouverait<br />

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