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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Le cadavre avait été découvert à proximité d’un sentier, aux<br />

abords du village, la tête dans une touffe de hautes herbes, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

jambes dressées vers <strong>le</strong> ciel dans une posture étonnamment<br />

contorsionnée. Effrayés mais d’une incorrigib<strong>le</strong> curiosité, <strong>le</strong>s<br />

villageois s’attroupèrent <strong>et</strong> commentèrent l’événement. Le crâne<br />

avait été fracassé, de toute évidence avec une des pancartes en<br />

bois prom<strong>et</strong>tant <strong>le</strong>s récompenses, laquel<strong>le</strong> gisait maintenant en<br />

travers du corps ensanglanté. Ceux qui contemplaient bouche<br />

bée ce spectac<strong>le</strong> ne pouvaient pas ne pas lire la liste des<br />

récompenses promises. Certains riaient jaune devant c<strong>et</strong>te<br />

ironie flagrante.<br />

Les traits tirés, <strong>le</strong> visage pâ<strong>le</strong>, Otsū s’écarta de la fou<strong>le</strong>. El<strong>le</strong><br />

aurait voulu n’avoir pas regardé. El<strong>le</strong> se hâta vers <strong>le</strong> temp<strong>le</strong>, en<br />

s’efforçant d’effacer l’image de la face du mort, gravée dans son<br />

esprit. Au pied de la colline, el<strong>le</strong> tomba sur <strong>le</strong> capitaine qui<br />

logeait au temp<strong>le</strong> ; il était accompagné de cinq ou six de ses<br />

hommes. Ayant appris la macabre nouvel<strong>le</strong>, ils allaient<br />

enquêter. A la vue de la jeune fil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> capitaine fit un large<br />

sourire.<br />

— D’où viens-tu, Otsū ? lui demanda-t-il avec une<br />

familiarité miel<strong>le</strong>use.<br />

— De faire des achats, répondit-el<strong>le</strong> sèchement.<br />

Sans même lui accorder un regard, el<strong>le</strong> grimpa rapidement<br />

<strong>le</strong>s marches de <strong>pierre</strong> du temp<strong>le</strong>. C<strong>et</strong> homme lui avait déplu dès<br />

<strong>le</strong> départ – il arborait une moustache hirsute qui lui était<br />

particulièrement désagréab<strong>le</strong> –, mais depuis <strong>le</strong> soir où il l’avait<br />

agressée, sa vue lui faisait horreur.<br />

Takuan, assis devant la grande sal<strong>le</strong>, jouait avec un chien<br />

errant. El<strong>le</strong> passait rapidement devant eux à une certaine<br />

distance, pour éviter <strong>le</strong> ga<strong>le</strong>ux animal, quand <strong>le</strong> moine <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s<br />

yeux <strong>et</strong> l’appela :<br />

— Otsū, il y a une l<strong>et</strong>tre pour toi.<br />

— Pour moi ? dit-el<strong>le</strong>, incrédu<strong>le</strong>.<br />

— Oui, tu étais sortie quand <strong>le</strong> facteur est passé, <strong>et</strong> il me l’a<br />

laissée.<br />

Il sortit de sa manche de kimono <strong>le</strong> p<strong>et</strong>it rou<strong>le</strong>au, <strong>et</strong> <strong>le</strong> lui<br />

tendit en disant :<br />

— ... Tu n’as pas l’air à ton aise. Quelque chose ne va pas ?<br />

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