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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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aurait dû avertir l’homme de l’approche de l’inspecteur ? Etaitce<br />

<strong>le</strong> destin ?<br />

Matahachi tâta <strong>le</strong> ballot de tissu, à l’obi de l’homme. Le<br />

contenu en révé<strong>le</strong>rait sûrement qui il était, d’où il venait.<br />

Matahachi supposait qu’il avait souhaité en mourant que l’on<br />

remît à sa famil<strong>le</strong> un souvenir quelconque. Il détacha <strong>le</strong> ballot,<br />

ainsi que la boîte à pilu<strong>le</strong>s, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s fourra prestement dans son<br />

propre kimono.<br />

Il se demanda s’il devait couper une mèche de cheveux pour<br />

la mère de l’inconnu ; mais alors qu’il contemplait la face<br />

effrayante, il entendit des pas qui s’approchaient. Caché<br />

derrière une <strong>pierre</strong>, il vit des samouraïs qui venaient chercher <strong>le</strong><br />

corps. Si on <strong>le</strong> prenait avec <strong>le</strong>s affaires du mort, il aurait de<br />

graves ennuis. Il s’éloigna en rampant d’ombre en ombre<br />

derrière <strong>le</strong>s <strong>pierre</strong>s, comme un rat des champs.<br />

Deux heures plus tard, il arriva à la confiserie où il habitait.<br />

A côté de la maison, la femme du boutiquier se lavait dans une<br />

cuv<strong>et</strong>te. L’entendant remuer à l’intérieur, el<strong>le</strong> montra de<br />

derrière la porte latéra<strong>le</strong> une partie de sa chair blanche, <strong>et</strong> cria :<br />

— C’est vous, Matahachi ?<br />

Répondant par un fort grognement, il s’élança dans sa<br />

propre chambre, <strong>et</strong> attrapa dans une commode un kimono ainsi<br />

que son <strong>sabre</strong> ; puis il se noua autour de la tête une servi<strong>et</strong>te de<br />

toil<strong>et</strong>te roulée, <strong>et</strong> se disposa à réenfi<strong>le</strong>r ses sanda<strong>le</strong>s.<br />

— Il ne fait pas trop sombre, là-dedans ? cria la femme.<br />

— Non, j’y vois suffisamment.<br />

— Je vais vous apporter une lampe.<br />

— Inuti<strong>le</strong>. Je sors.<br />

— Vous n’al<strong>le</strong>z pas vous laver ?<br />

— Non. Plus tard.<br />

Il se précipita dans <strong>le</strong> champ, <strong>et</strong> s’éloigna rapidement de la<br />

pauvre maison. Quelques minutes plus tard, se r<strong>et</strong>ournant, il vit<br />

un groupe de samouraïs, du château sans aucun doute, sortir de<br />

derrière <strong>le</strong>s miscanthus, dans <strong>le</strong> champ. Ils entrèrent dans la<br />

confiserie, par <strong>le</strong> devant <strong>et</strong> par <strong>le</strong> derrière à la fois.<br />

« Je l’ai échappé bel<strong>le</strong>, se dit-il. Bien sûr, je n’ai pas<br />

vraiment volé quoi que ce soit. Je l’ai seu<strong>le</strong>ment pris en garde.<br />

C’était mon devoir. Il m’en avait supplié. »<br />

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