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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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château d’un daimyō. Il faudrait à ses habitants quelque temps<br />

pour se détendre, pour adm<strong>et</strong>tre <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong> pays se trouvait<br />

heureusement unifié. Pareil à maints autres châteaux de<br />

l’époque, il était loin de s’être habitué à ce luxe : la paix.<br />

Takuan convoqua <strong>le</strong> capitaine des gardes.<br />

— Je vous l’amène, annonça-t-il.<br />

En lui rem<strong>et</strong>tant Takezō, <strong>le</strong> moine recommanda à l’homme<br />

de prendre bien soin de lui conformément à ses instructions<br />

précédentes, mais ajouta :<br />

— ... Attention. Ce lionceau a des crocs. Il est loin d’être<br />

apprivoisé. Quand on <strong>le</strong> taquine, il mord.<br />

Takuan passa la seconde porte en direction de l’enceinte<br />

centra<strong>le</strong> où résidait <strong>le</strong> daimyō. Il connaissait bien <strong>le</strong> chemin,<br />

semblait-il ; il n’avait besoin ni de guide, ni d’indications. Il<br />

marchait la tête haute, <strong>et</strong> chacun <strong>le</strong> laissait passer.<br />

Le capitaine, respectueux des consignes de Takuan, ne<br />

toucha pas un cheveu de celui qu’on lui avait confié. Il pria<br />

seu<strong>le</strong>ment Takezō de <strong>le</strong> suivre. Celui-ci obéit en si<strong>le</strong>nce. Ils<br />

arrivèrent bientôt à une maison de bains, <strong>et</strong> <strong>le</strong> capitaine lui dit<br />

d’entrer se laver. Ici, Takezō eut un haut-<strong>le</strong>-corps : il ne se<br />

rappelait que trop son dernier bain, chez Osugi, <strong>et</strong> <strong>le</strong> piège qu’il<br />

avait évité de justesse. Il croisa <strong>le</strong>s bras <strong>et</strong> tenta de réfléchir,<br />

cherchant à gagner du temps <strong>et</strong> inspectant ce qui l’entourait.<br />

Tout était si paisib<strong>le</strong> !... un îlot de calme où un daimyō pouvait,<br />

quand il ne combinait pas des stratégies, jouir des luxes de<br />

l’existence. Bientôt se présenta un serviteur qui apportait un<br />

kimono de coton noir <strong>et</strong> un hakama ; il s’inclina en disant<br />

poliment :<br />

— Je <strong>le</strong>s pose ici. Vous pouvez <strong>le</strong>s m<strong>et</strong>tre en sortant.<br />

Takezō en avait presque <strong>le</strong>s larmes aux yeux. L’équipement<br />

comportait non seu<strong>le</strong>ment un éventail pliant <strong>et</strong> du papier de<br />

soie, mais une paire de <strong>sabre</strong>s de samouraï, un long <strong>et</strong> un court.<br />

Tout était simp<strong>le</strong> <strong>et</strong> peu coûteux, mais rien ne manquait. On <strong>le</strong><br />

traitait de nouveau comme un être humain ; il avait envie de<br />

frotter contre sa joue <strong>le</strong> coton propre, <strong>et</strong> d’en respirer la<br />

fraîcheur. Il se r<strong>et</strong>ourna <strong>et</strong> entra dans la maison de bains.<br />

Ikeda Terumasa, <strong>le</strong> seigneur du château, accoudé à la<br />

véranda, regardait dans <strong>le</strong> jardin. C’était un homme courtaud à<br />

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