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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Vous l’aurez cherché ! cria Matahachi en fronçant un<br />

sourcil farouche sur des yeux furibonds. Si vous connaissiez<br />

mon nom, vous chanteriez une autre chanson.<br />

— Ton nom ? Qu’est-ce qu’il a de si extraordinaire ?<br />

— Je suis Sasaki Kojirō, compagnon d’études d’Itō Ittōsai,<br />

escrimeur du sty<strong>le</strong> Chūjō. Vous devez avoir entendu par<strong>le</strong>r de<br />

moi !<br />

— Tu me fais rire ! <strong>La</strong>isse là tes noms d’emprunt <strong>et</strong><br />

contente-toi de payer.<br />

Un homme tendit la main pour empoigner Matahachi,<br />

<strong>le</strong>quel s’écria :<br />

— Si la boîte à pilu<strong>le</strong>s ne suffit pas, je te donnerai un peu de<br />

mon <strong>sabre</strong>, par-dessus <strong>le</strong> marché !<br />

Il dégaina promptement, <strong>et</strong> frappa la main de l’homme,<br />

qu’il trancha n<strong>et</strong>. Les autres, voyant qu’ils avaient sous-estimé<br />

<strong>le</strong>ur adversaire, réagirent comme si c’était <strong>le</strong>ur propre sang qui<br />

avait été répandu. Ils prirent <strong>le</strong>urs jambes à <strong>le</strong>ur cou, <strong>et</strong><br />

disparurent dans <strong>le</strong>s ténèbres.<br />

Avec une expression de triomphe, Matahachi ne <strong>le</strong>s défia<br />

pas moins :<br />

— ... Revenez, espèce de vermine ! Je vous montrerai<br />

comment Kojirō se sert de son <strong>sabre</strong> quand il est sérieux. Venez,<br />

que je vous coupe la tête.<br />

Il <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> ciel avec un p<strong>et</strong>it rire ; ses dents<br />

blanches brillaient dans l’ombre tandis qu’il exultait. Puis<br />

brusquement, son humeur changea. Le visage p<strong>le</strong>in de tristesse,<br />

il paraissait au bord des larmes. Maladroitement, il rengaina<br />

son <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> s’éloigna en vacillant.<br />

Par terre, la boîte à pilu<strong>le</strong>s étincelait sous <strong>le</strong>s étoi<strong>le</strong>s. En bois<br />

de santal noir incrusté de coquillages, el<strong>le</strong> ne semblait pas très<br />

précieuse ; mais un refl<strong>et</strong> de nacre b<strong>le</strong>ue lui donnait la subti<strong>le</strong><br />

beauté d’un p<strong>et</strong>it groupe de lucio<strong>le</strong>s.<br />

En sortant de la cabane, <strong>le</strong> moine itinérant vit la boîte à<br />

pilu<strong>le</strong>s <strong>et</strong> la ramassa. Il se remit en route, mais revint sous<br />

l’auvent du cabar<strong>et</strong>. A la faib<strong>le</strong> clarté d’une lézarde du mur, il<br />

examina avec attention l’obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> son cordon. « Hum, se dit-il.<br />

C’est bien la boîte du maître. Il devait l’avoir sur lui quand on l’a<br />

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