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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Tu ne sais pas encore à qui tu par<strong>le</strong>s, l’homme au singe ?<br />

Surveil<strong>le</strong> ta langue, quand tu t’adresses à des hommes de la<br />

Maison de Yoshioka !<br />

A mesure que s’intensifiait ce concours de vociférations, <strong>le</strong><br />

bateau s’approchait de la digue de Kema qui possédait à la fois<br />

des bittes d’amarrage <strong>et</strong> un hangar. Les sept coururent investir<br />

<strong>le</strong> débarcadère, mais à peine l’eurent-ils atteint que <strong>le</strong> bateau<br />

s’arrêta au milieu du f<strong>le</strong>uve <strong>et</strong> se mit à tourner en cerc<strong>le</strong>s.<br />

Les hommes de Yoshioka pâlirent.<br />

— Qu’est-ce que vous faites là ?<br />

— Vous ne pourrez pas rester là-bas éternel<strong>le</strong>ment !<br />

— Venez ici, ou nous irons vous chercher là-bas !<br />

Les menaces continuèrent, aussi vio<strong>le</strong>ntes, jusqu’à ce que la<br />

proue du bateau prît la direction de la berge. Une voix rugit à<br />

travers l’air froid :<br />

— Si<strong>le</strong>nce, imbéci<strong>le</strong>s ! Nous accostons ! Apprêtez-vous<br />

plutôt à vous défendre.<br />

Malgré <strong>le</strong>s supplications des autres passagers, <strong>le</strong> jeune<br />

homme avait empoigné la gaffe du batelier, <strong>et</strong> amenait <strong>le</strong> bac au<br />

rivage. Aussitôt, <strong>le</strong>s sept samouraïs se rassemblèrent autour de<br />

l’endroit où la proue allait toucher terre, <strong>et</strong> regardèrent la<br />

silhou<strong>et</strong>te qui conduisait <strong>le</strong> bateau à la perche grandir en se<br />

rapprochant d’eux. Mais soudain <strong>le</strong> bateau accéléra, <strong>et</strong> l’homme<br />

fondit sur eux avant qu’ils ne s’en fussent rendu compte. Tandis<br />

que la coque raclait <strong>le</strong> fond, ils reculèrent ; quelque chose de<br />

sombre <strong>et</strong> de rond vola à travers <strong>le</strong>s roseaux <strong>et</strong> enserra <strong>le</strong> cou de<br />

l’un des hommes. Avant de se rendre compte que ce n’était que<br />

<strong>le</strong> singe, tous avaient instinctivement tiré <strong>le</strong>ur <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> frappé<br />

dans <strong>le</strong> vide autour d’eux. Pour masquer <strong>le</strong>ur embarras, ils se<br />

criaient l’un à l’autre des ordres impatientés.<br />

Dans l’espoir de rester en dehors de la mêlée, <strong>le</strong>s passagers<br />

se recroquevillaient dans un coin du bateau. L’agitation des sept<br />

hommes de la rive était encourageante, bien qu’un peu<br />

énigmatique, mais nul encore n’osait ouvrir la bouche. Puis,<br />

d’une seconde à l’autre, toutes <strong>le</strong>s têtes se tournèrent, <strong>le</strong> souff<strong>le</strong><br />

coupé, tandis que <strong>le</strong> pilote improvisé du bateau plantait sa<br />

perche dans <strong>le</strong> lit du f<strong>le</strong>uve <strong>et</strong> sautait, plus légèrement que <strong>le</strong><br />

singe, par-dessus <strong>le</strong>s joncs de la berge.<br />

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