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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Tōji se mit à rire.<br />

— Mais ça ne fait qu’attirer l’attention ! Toutes <strong>le</strong>s femmes<br />

d’ici savent que si l’on se cache la figure sous un chapeau, on<br />

doit être d’une bonne famil<strong>le</strong>, <strong>et</strong> probab<strong>le</strong>ment riche. Bien sûr, il<br />

y a d’autres raisons au fait qu’el<strong>le</strong>s ne veu<strong>le</strong>nt pas vous laisser<br />

tranquil<strong>le</strong>, mais c’est l’une d’entre el<strong>le</strong>s.<br />

Tōji, comme à son habitude, taquinait <strong>et</strong> flattait son maître<br />

en même temps. Il se r<strong>et</strong>ourna pour ordonner à l’un des<br />

hommes d’al<strong>le</strong>r chercher <strong>le</strong> chapeau, <strong>et</strong> attendit, debout, qu’il se<br />

frayât un chemin entre <strong>le</strong>s lanternes <strong>et</strong> la fou<strong>le</strong>. <strong>La</strong> course<br />

accomplie, Seijūrō coiffa <strong>le</strong> couvre-chef <strong>et</strong> commença à se sentir<br />

plus détendu.<br />

— Avec ce chapeau, commenta Tōji, vous avez l’air plus que<br />

jamais d’être <strong>le</strong> dandy de la vil<strong>le</strong>.<br />

Tourné vers <strong>le</strong>s autres, il poursuivit sa flatterie sur <strong>le</strong> mode<br />

indirect :<br />

— ... Voyez donc, toutes <strong>le</strong>s dames sont penchées à <strong>le</strong>ur<br />

porte pour <strong>le</strong> boire des yeux.<br />

<strong>La</strong> flagornerie de Tōji mise à part, Seijūrō avait en eff<strong>et</strong><br />

grande allure. Avec à son côté deux fourreaux étincelants, il<br />

respirait la dignité que l’on attendrait d’un fils de famil<strong>le</strong><br />

prospère. Aucun chapeau de pail<strong>le</strong> ne pouvait empêcher <strong>le</strong>s<br />

femmes de <strong>le</strong> hé<strong>le</strong>r au passage :<br />

— Hé, là-bas, <strong>le</strong> beau gosse ! Pourquoi donc te cacher la<br />

figure sous ce chapeau ridicu<strong>le</strong> ?<br />

— Viens ici, toi, là-bas ! Je veux voir ce qu’il y a là-dessous.<br />

— Allons, ne sois pas timide. <strong>La</strong>isse-nous j<strong>et</strong>er un coup<br />

d’œil.<br />

A ces taquines invites, Seijūrō réagissait en s’efforçant de<br />

paraître encore plus grand, encore plus digne. Il n’y avait que<br />

peu de temps que Tōji l’avait pour la première fois convaincu de<br />

m<strong>et</strong>tre <strong>le</strong>s pieds dans ce quartier, <strong>et</strong> cela <strong>le</strong> gênait encore d’y être<br />

vu. Fils aîné du célèbre escrimeur Yoshioka Kempō, jamais il<br />

n’avait manqué d’argent mais jusque récemment il avait ignoré<br />

<strong>le</strong>s dessous de l’existence. L’attention qu’il suscitait lui faisait<br />

battre <strong>le</strong> cœur. Il demeurait timide, bien qu’en sa qualité<br />

d’enfant gâté d’un homme riche il eût toujours été un peu<br />

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