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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— ... Pourquoi devrais-je être aussi poli ? Ha ! ha ! N’est-ce<br />

pas, Takuan ?<br />

Il prit Takuan par <strong>le</strong> cou, attira vers lui <strong>le</strong> prêtre, <strong>et</strong> désigna<br />

du doigt <strong>le</strong>s deux courtisans.<br />

— ... Takuan, déclara-t-il, <strong>le</strong>s gens de ce monde pour qui<br />

j’éprouve <strong>le</strong> plus de pitié, ce sont <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s. Ils portent des titres<br />

ronflants tels que conseil<strong>le</strong>r ou régent, mais il n’y a rien pour<br />

accompagner ces honneurs. Même <strong>le</strong>s marchands sont plus<br />

enviab<strong>le</strong>s, tu ne crois pas ?<br />

— Si fait, répondit Takuan en s’efforçant de dégager son<br />

cou.<br />

— Dis donc, fit Shōyū en avançant une coupe en p<strong>le</strong>in sous<br />

<strong>le</strong> nez du prêtre, tu ne m’as pas encore donné à boire.<br />

Takuan lui versa du saké. Le vieux but.<br />

— ... Tu es un malin, Takuan. Dans <strong>le</strong> monde où nous<br />

vivons, <strong>le</strong>s prêtres comme toi sont rusés, <strong>le</strong>s marchands adroits,<br />

<strong>le</strong>s guerriers forts <strong>et</strong> <strong>le</strong>s nob<strong>le</strong>s stupides. Ha ! ha ! Ça n’est pas<br />

vrai ?<br />

— C’est vrai, c’est vrai, dit Takuan.<br />

— Les nob<strong>le</strong>s ne peuvent faire ce qu’ils veu<strong>le</strong>nt à cause de<br />

<strong>le</strong>ur rang, mais ils sont évincés de la politique <strong>et</strong> du<br />

gouvernement. Alors, tout ce qui <strong>le</strong>ur reste à faire, c’est de<br />

composer de la poésie ou de devenir experts en calligraphie. Pas<br />

vrai ?<br />

Et il partit d’un nouvel éclat de rire.<br />

Mitsuhiro <strong>et</strong> Nobutada aimaient s’amuser autant que<br />

Shōyū ; pourtant, la crudité de c<strong>et</strong>te ironie était embarrassante.<br />

Ils y répondirent par un si<strong>le</strong>nce de mort. Profitant de <strong>le</strong>ur gêne,<br />

Shōyū insista :<br />

— ... Qu’en penses-tu, Yoshino ? As-tu un faib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s<br />

nob<strong>le</strong>s, ou préfères-tu <strong>le</strong>s marchands ?<br />

— Hi ! hi ! hi ! fit Yoshino. Quel<strong>le</strong> étrange question,<br />

monsieur Funabashi !<br />

— Je ne plaisante pas. J’essaie de sonder profondément <strong>le</strong><br />

cœur d’une femme. Maintenant je vois ce qu’il contient. En<br />

réalité, tu préfères <strong>le</strong>s marchands, n’est-ce pas ? Je crois que je<br />

ferais mieux de t’emmener d’ici. Viens avec moi dans mon<br />

salon.<br />

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