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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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n’avons pas célébré ensemb<strong>le</strong> la fête du Nouvel An, <strong>et</strong> il se peut<br />

que ce soit notre dernière occasion.<br />

Matahachi savait qu’il ne pouvait <strong>le</strong> lui refuser ; mais il avait<br />

résolu de <strong>le</strong>s quitter <strong>le</strong> sur<strong>le</strong>ndemain du Premier de l’An. Osugi<br />

<strong>et</strong> l’onc<strong>le</strong> Gon, craignant peut-être de n’avoir pas longtemps à<br />

vivre, étaient devenus si bigots qu’ils s’arrêtaient à tous <strong>le</strong>s<br />

sanctuaires ou temp<strong>le</strong>s imaginab<strong>le</strong>s, laissant des offrandes <strong>et</strong><br />

faisant de longues supplications aux dieux <strong>et</strong> aux bouddhas. Ils<br />

avaient passé presque toute c<strong>et</strong>te journée au sanctuaire de<br />

Sumiyoshi.<br />

Matahachi, qui s’ennuyait ferme, traînait <strong>le</strong>s pieds <strong>et</strong><br />

boudait.<br />

— Tu ne peux donc pas avancer ? demanda Osugi d’une voix<br />

irritée.<br />

Matahachi n’accéléra point. Aussi agacé par sa mère qu’el<strong>le</strong><br />

l’était par lui, il grommela :<br />

— Tu me presses, <strong>et</strong> tu me fais attendre ! Se presser <strong>et</strong><br />

attendre, se presser <strong>et</strong> attendre !<br />

— Que faire d’un fils pareil ? Quand on se rend dans un lieu<br />

saint, la simp<strong>le</strong> convenance veut que l’on s’y arrête pour prier<br />

<strong>le</strong>s dieux. Je ne t’ai jamais vu t’incliner devant un dieu ou un<br />

bouddha, <strong>et</strong> tu <strong>le</strong> regr<strong>et</strong>teras plus tard, souviens-toi bien de mes<br />

paro<strong>le</strong>s. D’autre part, si tu priais avec nous, tu n’aurais pas à<br />

attendre aussi longtemps.<br />

— Quel fléau ! grogna Matahachi.<br />

— De qui par<strong>le</strong>s-tu ? s’écria Osugi, indignée.<br />

Les deux ou trois premiers jours, tout n’avait été que miel<br />

entre eux ; mais une fois réhabitué à sa mère, Matahachi se mit<br />

à trouver à redire à tous ses actes <strong>et</strong> à tous ses propos, à se<br />

moquer d’el<strong>le</strong> à la moindre occasion. Le soir venu, quand ils<br />

rentraient à l’auberge, el<strong>le</strong> <strong>le</strong> faisait asseoir en face d’el<strong>le</strong> pour <strong>le</strong><br />

gratifier d’un sermon, ce qui ne servait qu’à accroître sa<br />

mauvaise humeur.<br />

« Quel<strong>le</strong> paire ! » se lamentait l’onc<strong>le</strong> Gon à part soi, en<br />

tâchant d’imaginer un moyen d’apaiser <strong>le</strong> ressentiment de la<br />

vieil<strong>le</strong> dame, <strong>et</strong> de ramener un peu de calme sur <strong>le</strong> visage<br />

renfrogné de son neveu. Devinant qu’un sermon de plus se<br />

préparait, il s’efforça de <strong>le</strong> détourner :<br />

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