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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Sasaki Kojirō<br />

Juste au sud de Kyoto, la rivière Yodo contournait une<br />

colline appelée Momoyama (où était sis <strong>le</strong> château de Fushimi),<br />

puis traversait la plaine de Yamashiro vers <strong>le</strong>s remparts du<br />

château d’Osaka, quelque trente-cinq kilomètres plus au sudouest.<br />

En partie à cause de c<strong>et</strong>te liaison directe par voie d’eau,<br />

chaque mouvement politique survenu dans la région de Kyoto<br />

se répercutait aussitôt à Osaka, tandis qu’à Fushimi toute paro<strong>le</strong><br />

prononcée par un samouraï d’Osaka, à plus forte raison par un<br />

général, paraissait lourde de conséquences pour l’avenir.<br />

Autour de Momoyama, un grand bou<strong>le</strong>versement était en<br />

cours : Tokugawa Ieyasu avait résolu de transformer <strong>le</strong> mode de<br />

vie florissant sous Hideyoshi. Le château d’Osaka, occupé par<br />

Hideyori <strong>et</strong> sa mère, Yodogimi, continuait de s’accrocher<br />

désespérément aux vestiges de son autorité passée, comme <strong>le</strong><br />

so<strong>le</strong>il couchant à sa beauté déclinante, mais <strong>le</strong> pouvoir véritab<strong>le</strong><br />

se trouvait à Fushimi où Ieyasu avait choisi de résider lors de<br />

ses longs séjours dans la région de Kansai. Le heurt entre<br />

l’ancien <strong>et</strong> <strong>le</strong> nouveau se constatait partout : dans <strong>le</strong>s bateaux<br />

qui parcouraient la rivière, dans <strong>le</strong> comportement des gens sur<br />

<strong>le</strong>s grand-routes, dans <strong>le</strong>s chansons populaires, sur <strong>le</strong>s visages<br />

des samouraïs limogés en quête d’emploi.<br />

Le château de Fushimi était en réparation, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s <strong>pierre</strong>s<br />

déchargées des bateaux sur la berge formaient une véritab<strong>le</strong><br />

montagne. <strong>La</strong> plupart d’entre el<strong>le</strong>s étaient d’énormes blocs,<br />

d’environ deux mètres de large sur un mètre de haut. El<strong>le</strong>s<br />

brûlaient au so<strong>le</strong>il. Bien que ce fût l’automne d’après <strong>le</strong><br />

ca<strong>le</strong>ndrier, la cha<strong>le</strong>ur étouffante évoquait la canicu<strong>le</strong> qui<br />

succède immédiatement à la saison des pluies du début de l’été.<br />

Des sau<strong>le</strong>s, près du pont, miroitaient d’un éclat blanchâtre ;<br />

une grosse ciga<strong>le</strong> zigzagua fol<strong>le</strong>ment de la rivière à une p<strong>et</strong>ite<br />

maison proche de la berge, où el<strong>le</strong> entra. Les toits du village,<br />

privés des douces cou<strong>le</strong>urs dont <strong>le</strong>s enveloppaient <strong>le</strong>urs<br />

lanternes, au crépuscu<strong>le</strong>, étaient d’un gris sec <strong>et</strong> poussiéreux.<br />

Dans la cha<strong>le</strong>ur du p<strong>le</strong>in midi deux ouvriers, heureusement<br />

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