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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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n’avait pas grand-chose à perdre, <strong>et</strong> bien qu’en un sens il fût un<br />

déraciné, il était aussi libre d’entraves.<br />

Respirant de façon profonde <strong>et</strong> régulière, cramponné à son<br />

<strong>sabre</strong> de bois, Takezō en c<strong>et</strong> instant rêvait peut-être, un léger<br />

sourire aux lèvres, tandis que des visions de sa charmante sœur<br />

<strong>et</strong> de sa paisib<strong>le</strong> vil<strong>le</strong> nata<strong>le</strong> passaient devant ses yeux clos, aux<br />

cils épais. Okō, une lampe à la main, se glissa dans sa chambre.<br />

« Quel visage tranquil<strong>le</strong> ! » s’émerveilla-t-el<strong>le</strong> à mi-voix ; el<strong>le</strong><br />

tendit la main, <strong>et</strong> lui eff<strong>le</strong>ura <strong>le</strong>s lèvres.<br />

Puis el<strong>le</strong> souffla la lampe, <strong>et</strong> s’étendit à côté de lui. Se<br />

pelotonnant comme une chatte, el<strong>le</strong> se rapprocha de son corps,<br />

centimètre par centimètre ; son visage blanchi <strong>et</strong> sa chemise de<br />

nuit aux cou<strong>le</strong>urs vives étaient cachés par l’obscurité. L’on<br />

n’entendait que <strong>le</strong>s gouttes de rosée qui tombaient sur <strong>le</strong> rebord<br />

de la fenêtre.<br />

« Je me demande s’il est encore vierge », songea-t-el<strong>le</strong> en<br />

tendant la main pour ôter <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> de bois.<br />

A peine l’eut-el<strong>le</strong> touché que Takezō, debout, cria :<br />

— Au vo<strong>le</strong>ur ! Au vo<strong>le</strong>ur !<br />

Okō se trouva proj<strong>et</strong>ée sur la lampe, qui la b<strong>le</strong>ssa à l’épau<strong>le</strong><br />

<strong>et</strong> à la poitrine. Takezō lui tordait <strong>le</strong> bras sans pitié. El<strong>le</strong> cria de<br />

dou<strong>le</strong>ur. Stupéfait, il lâcha prise.<br />

— Oh ! c’est vous ! Je vous prenais pour un vo<strong>le</strong>ur.<br />

— Aïe ! gémissait Okō. Vous m’avez fait mal !<br />

— Je suis désolé. Je ne savais pas que c’était vous.<br />

— Vous ne connaissez pas votre force. Vous avez failli<br />

m’arracher <strong>le</strong> bras.<br />

— J’ai dit que je <strong>le</strong> regr<strong>et</strong>tais. En tout cas, qu’est-ce que vous<br />

faites là ?<br />

Ignorant son innocente question, el<strong>le</strong> fut prompte à se<br />

rem<strong>et</strong>tre de sa b<strong>le</strong>ssure au bras, <strong>et</strong> tenta de lui passer ce même<br />

bras autour du cou, en roucoulant :<br />

— Ne vous excusez pas, Takezō...<br />

El<strong>le</strong> lui passait doucement <strong>le</strong> dos de la main contre la joue.<br />

— Hé là ! Qu’est-ce que vous faites ? Vous êtes fol<strong>le</strong> ? cria-til<br />

en reculant à son contact.<br />

— Ne fais pas tant de bruit, espèce d’idiot. Tu connais mes<br />

sentiments pour toi.<br />

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