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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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gratifia obligeamment ses auditeurs d’une imitation, ce qui <strong>le</strong>s<br />

j<strong>et</strong>a dans de nouvel<strong>le</strong>s tempêtes de rire.<br />

L’homme devait avoir perdu l’esprit. Proclamer qu’il avait<br />

pour but de créer son sty<strong>le</strong> propre était pure folie. Afin d’ouvrir<br />

<strong>le</strong>s yeux du rustre, <strong>le</strong>s élèves envoyèrent à nouveau <strong>le</strong> serviteur,<br />

c<strong>et</strong>te fois pour demander si <strong>le</strong> visiteur avait désigné quelqu’un<br />

pour en<strong>le</strong>ver son cadavre après <strong>le</strong> combat.<br />

A quoi Musashi répliqua :<br />

— Si par extraordinaire j’étais tué, peu importe que vous<br />

j<strong>et</strong>iez mon corps sur <strong>le</strong> mont Toribe ou dans la rivière Kamo,<br />

avec <strong>le</strong>s ordures. Dans <strong>le</strong>s deux cas, je prom<strong>et</strong>s de ne pas vous<br />

en tenir rigueur.<br />

C<strong>et</strong>te fois, sa façon de répondre était fort n<strong>et</strong>te, dit <strong>le</strong><br />

serviteur, sans rien de la gaucherie de ses réponses précédentes.<br />

Après un instant d’hésitation, quelqu’un dit :<br />

— Fais-<strong>le</strong> entrer !<br />

Voilà comment cela commença ; <strong>le</strong>s discip<strong>le</strong>s croyaient<br />

qu’ils allaient rabaisser un peu son caqu<strong>et</strong> au nouveau venu,<br />

puis <strong>le</strong> j<strong>et</strong>er dehors. Pourtant, dès <strong>le</strong> tout premier assaut, ce fut<br />

<strong>le</strong> champion de l’éco<strong>le</strong> qui fut vaincu. Il eut <strong>le</strong> bras cassé n<strong>et</strong>.<br />

Seul, un p<strong>et</strong>it morceau de peau maintenait son poign<strong>et</strong> attaché à<br />

son avant-bras.<br />

A tour de rô<strong>le</strong>, d’autres re<strong>le</strong>vèrent <strong>le</strong> défi de l’inconnu ; à<br />

tour de rô<strong>le</strong>, ils essuyèrent une ignominieuse défaite. Plusieurs<br />

furent b<strong>le</strong>ssés gravement, <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>sabre</strong> de bois de Musashi<br />

ruisselait de sang. Après la troisième défaite environ, l’humeur<br />

des discip<strong>le</strong>s devint homicide ; dussent-ils périr jusqu’au<br />

dernier, ils ne laisseraient pas ce fou barbare repartir vivant, en<br />

emportant l’honneur de l’Eco<strong>le</strong> Yoshioka.<br />

Musashi en personne mit fin aux effusions de sang. Etant<br />

donné que l’on avait re<strong>le</strong>vé son défi, <strong>le</strong>s victimes ne lui causaient<br />

pas de remords, mais il annonça :<br />

— Inuti<strong>le</strong> de poursuivre avant <strong>le</strong> r<strong>et</strong>our de Seijūrō.<br />

Et il refusa de continuer à se battre. Comme on n’avait pas<br />

<strong>le</strong> choix, on <strong>le</strong> conduisit, sur sa demande, à une chambre où il<br />

pût attendre. Alors seu<strong>le</strong>ment, un homme reprit ses esprits <strong>et</strong><br />

appela <strong>le</strong> médecin.<br />

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