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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Il ne voulait pas <strong>le</strong>ur laisser une chance de lui poser des<br />

questions ; aussi se dépêcha-t-il de poursuivre :<br />

— ... Osugi, ma mère, est en pè<strong>le</strong>rinage à Kiyomizudera, afin<br />

de prier pour la réussite de notre combat contre Musashi. Je<br />

suis en route pour la rencontrer. Je viendrai sûrement bientôt à<br />

la maison de l’avenue Shijō pour présenter mes respects. Pour<br />

l’instant, excusez-moi de vous avoir r<strong>et</strong>ardé alors que vous êtes<br />

si pressés.<br />

Et il partit, laissant ses auditeurs se demander quel<strong>le</strong> part<br />

de vérité il y avait dans ses propos.<br />

— En tout cas, qui diab<strong>le</strong> est ce pitre ? fit Denshichirō avec<br />

un renif<strong>le</strong>ment de mépris.<br />

Et il claqua la langue, agacé par <strong>le</strong> temps qu’ils venaient de<br />

perdre.<br />

Le médecin l’avait dit, <strong>le</strong>s premiers jours seraient <strong>le</strong>s pires.<br />

C’était <strong>le</strong> quatrième jour, <strong>et</strong> depuis la veil<strong>le</strong> au soir, Seijūrō se<br />

sentait un peu mieux.<br />

Lentement il ouvrit <strong>le</strong>s yeux, se demandant s’il faisait jour<br />

ou nuit. <strong>La</strong> lampe à abat-jour en papier, près de son oreil<strong>le</strong>r, se<br />

trouvait presque éteinte. De la chambre voisine parvenaient des<br />

ronf<strong>le</strong>ments ; <strong>le</strong>s hommes qui <strong>le</strong> veillaient s’étaient endormis.<br />

« Je dois être encore en vie, se dit-il. En vie <strong>et</strong><br />

complètement déshonoré ! » De ses doigts tremblants, il tira la<br />

couverture par-dessus sa figure. « Après cela, comment pourraije<br />

regarder quiconque en face ? » Il ravala ses larmes. « Tout est<br />

fini, gémit-il. C’est ma fin, <strong>et</strong> cel<strong>le</strong> de la Maison de Yoshioka. »<br />

Un coq chanta, <strong>et</strong> la lampe s’éteignit dans un grésil<strong>le</strong>ment.<br />

Tandis que la pâ<strong>le</strong> clarté de l’aube se glissait dans la chambre,<br />

Seijūrō se trouva ramené à ce matin-là, au Rendaiji. Ce regard,<br />

dans <strong>le</strong>s yeux de Musashi !... Le souvenir l’en faisait frissonner.<br />

Il devait reconnaître qu’il ne valait pas c<strong>et</strong> homme-là. Que<br />

n’avait-il envoyé promener son <strong>sabre</strong> de bois, accepté la défaite,<br />

<strong>et</strong> tenté de sauver la réputation familia<strong>le</strong> ?<br />

« J’avais une trop haute opinion de moi-même, se<br />

lamentait-il. En dehors d’être <strong>le</strong> fils de Yoshioka Kempō, qu’aije<br />

jamais fait pour me distinguer ? »<br />

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