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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Le poème de Takuan était dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> japonais. Mitsuhiro<br />

choisit d’écrire à la manière chinoise, en citant des vers d’un<br />

poème de Tsai Wen :<br />

Quand je suis occupé, la montagne me regarde.<br />

Quand j’ai des loisirs, je regarde la montagne.<br />

Bien que cela paraisse la même chose, ce n’est pas la même chose,<br />

Car l’occupation est inférieure au loisir.<br />

Sous <strong>le</strong> poème de Takuan, Yoshino écrivit :<br />

Même lorsqu’el<strong>le</strong>s s’épanouissent,<br />

Un souff<strong>le</strong> de tristesse passe<br />

Au-dessus des f<strong>le</strong>urs.<br />

Pensent-el<strong>le</strong>s à l’avenir<br />

Où <strong>le</strong>urs péta<strong>le</strong>s seront tombés ?<br />

Shōyū <strong>et</strong> Musashi contemplaient la scène en si<strong>le</strong>nce, ce<br />

dernier grandement soulagé que nul n’insistât pour lui faire<br />

écrire quelque chose, à lui aussi.<br />

Ils r<strong>et</strong>ournèrent à l’âtre <strong>et</strong> bavardèrent un moment jusqu’à<br />

ce que Shōyū, avisant un biwa, une sorte de luth, à côté de<br />

l’alcôve de la chambre intérieure, demandât à Yoshino de jouer<br />

pour eux. Les autres firent chorus.<br />

Yoshino, sans manifester la moindre timidité, prit<br />

l’instrument <strong>et</strong> s’assit au milieu de la chambre intérieure<br />

faib<strong>le</strong>ment éclairée. Ses manières n’étaient pas cel<strong>le</strong>s d’un<br />

virtuose fier de ses ta<strong>le</strong>nts ; el<strong>le</strong> ne péchait pas non plus par<br />

fausse modestie. Les hommes débarrassèrent <strong>le</strong>ur esprit des<br />

pensées désordonnées pour mieux consacrer <strong>le</strong>ur attention à<br />

son interprétation d’un fragment des Contes du Heike. Les sons<br />

doux cédèrent la place à un passage agité puis à des accords<br />

staccato. Le feu baissa <strong>et</strong> la pièce s’assombrit. Aucun des<br />

auditeurs, fascinés par la musique, ne bougea jusqu’à ce qu’une<br />

minuscu<strong>le</strong> explosion d’étincel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s fît redescendre sur terre. A<br />

la fin de la musique, Yoshino dit avec un léger sourire :<br />

— Je crains de n’avoir pas très bien joué.<br />

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