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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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de <strong>le</strong>ur en savoir gré, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s commandait comme des<br />

domestiques, se plaignait qu’ils n’appuyaient pas comme il<br />

fallait, <strong>le</strong>ur déclarait que ce qu’ils faisaient ne servirait à rien,<br />

<strong>le</strong>ur ordonnait de préparer du feu, <strong>le</strong>s envoyait chercher des<br />

médicaments. Tout ce qu’el<strong>le</strong> faisait, el<strong>le</strong> <strong>le</strong> faisait de la manière<br />

la plus revêche que l’on pût imaginer.<br />

Pour <strong>le</strong>s hommes de la plage el<strong>le</strong> n’était ni une parente ni<br />

une amie, mais seu<strong>le</strong>ment une inconnue, <strong>et</strong> à la fin même <strong>le</strong>s<br />

plus apitoyés se fâchèrent.<br />

— A propos, d’où sort c<strong>et</strong>te vieil<strong>le</strong> sorcière ? grogna l’un.<br />

— El<strong>le</strong> ne voit pas la différence entre l’inconscience <strong>et</strong> la<br />

mort. Si el<strong>le</strong> est capab<strong>le</strong> de <strong>le</strong> ranimer, qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong> fasse.<br />

Bientôt, Osugi se trouva seu<strong>le</strong> avec <strong>le</strong> corps. Dans l’obscurité<br />

grandissante, une brume s’é<strong>le</strong>va de la mer, <strong>et</strong> il ne resta plus du<br />

jour qu’une bande de nuées orange à l’horizon. Osugi fit du feu<br />

<strong>et</strong> s’assit à côté, serrant contre el<strong>le</strong> <strong>le</strong> corps de l’onc<strong>le</strong> Gon.<br />

— Onc<strong>le</strong> Gon... Oh ! onc<strong>le</strong> Gon ! gémissait-el<strong>le</strong>.<br />

Les vagues s’assombrissaient. El<strong>le</strong> essayait sans relâche de<br />

ramener la cha<strong>le</strong>ur dans son corps. Son visage exprimait qu’el<strong>le</strong><br />

s’attendait à tout instant à <strong>le</strong> voir ouvrir la bouche afin de lui<br />

par<strong>le</strong>r. El<strong>le</strong> mâchait des pilu<strong>le</strong>s tirées de la boîte de pharmacie<br />

de l’obi d’onc<strong>le</strong> Gon, puis <strong>le</strong>s lui introduisait dans la bouche.<br />

El<strong>le</strong> <strong>le</strong> serrait contre el<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> berçait.<br />

— ... Ouvre <strong>le</strong>s yeux, onc<strong>le</strong> Gon ! suppliait-el<strong>le</strong>. Dis quelque<br />

chose ! Tu ne peux pas partir <strong>et</strong> me laisser seu<strong>le</strong>. Nous n’avons<br />

pas encore tué Musashi ni puni c<strong>et</strong>te drô<strong>le</strong>sse d’Otsū.<br />

A l’auberge, Akemi s’agitait dans son sommeil. Quand<br />

Seijūrō tentait de replacer sur l’oreil<strong>le</strong>r sa tête fiévreuse, el<strong>le</strong><br />

marmonnait dans son délire. Quelque temps, il resta assis à son<br />

chev<strong>et</strong> dans une immobilité complète, <strong>le</strong> visage plus pâ<strong>le</strong> que <strong>le</strong><br />

sien. Devant la torture que lui-même lui avait infligée, il<br />

souffrait aussi.<br />

C’était lui-même qui, de force, s’était emparé d’el<strong>le</strong> pour<br />

satisfaire ses propres désirs. Maintenant, assis à côté d’el<strong>le</strong>,<br />

grave <strong>et</strong> raide, il s’inquiétait de son pouls <strong>et</strong> de sa respiration,<br />

priait pour que la vie qui l’avait un moment quittée lui revînt<br />

tout à fait. En une seu<strong>le</strong> <strong>et</strong> brève journée, il avait été à la fois une<br />

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