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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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pitié de Seijūrō car il manquait de la vision personnel<strong>le</strong> qu’il lui<br />

eût fallu pour suivre <strong>le</strong>s traces de son père <strong>et</strong> diriger comme il<br />

convenait l’immense éco<strong>le</strong>. A son avis, <strong>le</strong> frère cad<strong>et</strong>,<br />

Denshichirō, possédait plus de force de caractère, mais il était<br />

lui aussi un incorrigib<strong>le</strong> fils à papa. Et bien qu’il fût meil<strong>le</strong>ure<br />

lame que Seijūrō, l’honneur du nom de Yoshioka ne dépendait<br />

pas de lui.<br />

Kojirō voulait que Seijūrō oubliât l’imminence du combat<br />

avec Musashi : ce serait, croyait-il, la meil<strong>le</strong>ure préparation<br />

possib<strong>le</strong>. Il avait envie de lui poser une question, mais s’en<br />

abstenait : que pouvait-il espérer apprendre entre <strong>le</strong> moment<br />

présent <strong>et</strong> celui de la rencontre ? « Eh bien, se dit-il avec<br />

résignation, il est comme ça ; aussi, je ne crois pas que je puisse<br />

grand-chose pour lui. »<br />

Le chien, parti en courant, aboyait férocement au loin.<br />

— Ça veut dire qu’il a trouvé du gibier ! fit Kojirō dont <strong>le</strong>s<br />

yeux s’allumèrent.<br />

— <strong>La</strong>issez-<strong>le</strong> donc. Il nous rattrapera.<br />

— Je vais j<strong>et</strong>er un coup d’œil. Attendez-moi ici.<br />

Kojirō courut en direction des aboiements ; au bout d’une<br />

ou deux minutes, il repéra <strong>le</strong> chien sur la ga<strong>le</strong>rie d’un vieux<br />

temp<strong>le</strong> délabré. L’animal bondissait contre la gril<strong>le</strong> branlante, <strong>et</strong><br />

r<strong>et</strong>ombait en arrière. Après quelques tentatives, il se mit à<br />

gratter <strong>le</strong>s colonnes laquées de rouge <strong>et</strong> <strong>le</strong> mur en ruine de<br />

l’édifice.<br />

Kojirō, curieux de ce qui pouvait bien l’exciter à ce point, se<br />

rendit à une autre porte. Regarder à travers la gril<strong>le</strong> équivalait à<br />

regarder dans un vase de laque noire.<br />

Le grincement de la porte qu’il tirait fit accourir <strong>le</strong> chien qui<br />

remuait la queue. Kojirō donna un coup de pied à l’animal afin<br />

de l’éloigner, mais sans grand eff<strong>et</strong>. Tandis qu’il entrait dans<br />

l’édifice, <strong>le</strong> chien <strong>le</strong> dépassa comme un éclair.<br />

<strong>La</strong> femme poussait des cris assourdissants. Alors, <strong>le</strong> chien se<br />

mit à hur<strong>le</strong>r, <strong>et</strong> il y eut un concours de vociférations entre lui <strong>et</strong><br />

el<strong>le</strong>. Kojirō se demandait si <strong>le</strong> temp<strong>le</strong> allait s’écrou<strong>le</strong>r. Il<br />

s’élança, <strong>et</strong> découvrit Akemi couchée sous la moustiquaire ; <strong>le</strong><br />

singe, qui avait sauté par la fenêtre à l’intérieur pour échapper<br />

au chien, se cachait derrière el<strong>le</strong>.<br />

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