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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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manquaient. Rayonnante de bonheur, el<strong>le</strong> laissait la paro<strong>le</strong> à<br />

Jōtarō.<br />

— Votre b<strong>le</strong>ssure est guérie, disait l’enfant, en extase. Quand<br />

je vous ai vu sur la vache, j’ai pensé que c’était peut-être que<br />

vous ne pouviez pas marcher. Mais nous avons pourtant réussi à<br />

arriver ici <strong>le</strong>s premiers, non ? Dès qu’Otsū a reçu votre l<strong>et</strong>tre,<br />

el<strong>le</strong> a été prête à partir.<br />

Musashi souriait, approuvant du chef, murmurant des<br />

« oh » <strong>et</strong> des « ah » ; pourtant <strong>le</strong> babil de Jōtarō sur Otsū <strong>et</strong> son<br />

amour, devant des inconnus, <strong>le</strong> rendait mal à l’aise. Il insista<br />

pour passer sur une p<strong>et</strong>ite terrasse, derrière, ombragée par un<br />

treillage de glycine. Otsū demeurait trop intimidée pour par<strong>le</strong>r,<br />

<strong>et</strong> Musashi devenait taciturne. Mais Jōtarō ne s’en souciait pas ;<br />

son rapide bavardage se mêlait au bourdonnement des abeil<strong>le</strong>s<br />

<strong>et</strong> des taons. Il fut interrompu par la voix du patron, disant :<br />

— Vous feriez mieux de rentrer. Un orage se prépare.<br />

Regardez comme <strong>le</strong> ciel s’assombrit au-dessus d’Ishiyamadera.<br />

Il s’affairait, en<strong>le</strong>vant <strong>le</strong>s stores de pail<strong>le</strong>, <strong>et</strong> plaçant des<br />

vol<strong>et</strong>s de bois contre la pluie aux parois de la véranda. <strong>La</strong> rivière<br />

était devenue grise ; des rafa<strong>le</strong>s de vent agitaient<br />

frénétiquement <strong>le</strong>s grappes de glycine cou<strong>le</strong>ur lavande. Tout<br />

d’un coup, un éclair zébra <strong>le</strong> ciel, <strong>et</strong> des torrents de pluie se<br />

déversèrent.<br />

— Un éclair ! cria Jōtarō. Le premier de c<strong>et</strong>te année.<br />

Dépêchez-vous, Sensei. Oh ! la pluie est arrivée juste au bon<br />

moment. C’est parfait.<br />

Mais si pour Jōtarō l’averse était « parfaite », el<strong>le</strong><br />

embarrassait Musashi <strong>et</strong> Otsū : r<strong>et</strong>ourner ensemb<strong>le</strong> à l’intérieur<br />

<strong>le</strong>ur donnerait l’impression d’être des amoureux de roman.<br />

Musashi resta en arrière, <strong>et</strong> Otsū, rougissante, se tint au bout de<br />

la terrasse, guère mieux protégée contre <strong>le</strong>s éléments que <strong>le</strong>s<br />

f<strong>le</strong>urs de glycine.<br />

L’homme, brandissant une natte de pail<strong>le</strong> au-dessus de sa<br />

tête pour courir à travers <strong>le</strong> déluge, avait l’air d’un vaste<br />

parapluie ambulant. Il se précipita sous l’auvent d’un porche de<br />

sanctuaire, lissa la broussail<strong>le</strong> de ses cheveux mouillés, <strong>et</strong> <strong>le</strong>va<br />

un œil interrogateur vers <strong>le</strong>s nuées.<br />

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