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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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— Ne <strong>le</strong> laissez pas s’échapper ! cria <strong>le</strong> surveillant du haut de<br />

son échafaudage.<br />

Sans hésiter, la fou<strong>le</strong> tomba sur <strong>le</strong> misérab<strong>le</strong>, qui contreattaqua<br />

comme une bête prise au piège. Ayant arraché <strong>le</strong> bâton<br />

à la sentinel<strong>le</strong>, il se r<strong>et</strong>ourna contre el<strong>le</strong>, <strong>et</strong> avec la pointe de<br />

l’arme l’abattit la tête la première. Après avoir abattu de la<br />

même façon quatre ou cinq autres hommes, il tira son énorme<br />

<strong>sabre</strong> <strong>et</strong> passa à l’attaque. Ses poursuivants terrifiés reculèrent ;<br />

mais comme il s’apprêtait à se tail<strong>le</strong>r un chemin hors du cerc<strong>le</strong>,<br />

un barrage de <strong>pierre</strong>s s’abattit sur lui de toutes parts.<br />

<strong>La</strong> fou<strong>le</strong> déchargeait sa bi<strong>le</strong> avec entrain, d’humeur d’autant<br />

plus meurtrière à cause d’une répulsion profonde envers tous<br />

<strong>le</strong>s shugyōshas. Pareils à la plupart des gens du peup<strong>le</strong>, ces<br />

ouvriers considéraient <strong>le</strong>s samouraïs errants comme inuti<strong>le</strong>s,<br />

improductifs <strong>et</strong> arrogants.<br />

— Cessez de vous conduire en rustres stupides ! cria <strong>le</strong><br />

samouraï cerné, en appelant à la raison <strong>et</strong> à la r<strong>et</strong>enue.<br />

Il avait beau se défendre, il paraissait plus soucieux de<br />

réprimander ses assaillants que d’éviter <strong>le</strong>s <strong>pierre</strong>s qu’ils lui<br />

j<strong>et</strong>aient. Maints badauds innocents furent b<strong>le</strong>ssés dans la mêlée.<br />

Puis, en un clin d’œil, tout fut terminé. Les cris cessèrent, <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong>s ouvriers r<strong>et</strong>ournèrent à <strong>le</strong>ur travail. En cinq minutes, <strong>le</strong> vaste<br />

chantier de construction redevint exactement ce qu’il était,<br />

comme si rien n’avait eu lieu. Les étincel<strong>le</strong>s jaillies des divers<br />

instruments tranchants, <strong>le</strong>s hennissements des chevaux affolés<br />

par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, la cha<strong>le</strong>ur accablante : tout redevint normal.<br />

Deux gardes surveillaient la forme effondrée, ligotée d’une<br />

épaisse corde de chanvre.<br />

— Il est mort à quatre-vingt-dix pour cent, dit l’un ; aussi,<br />

nous pouvons <strong>le</strong> laisser là jusqu’à l’arrivée du juge.<br />

Il regarda autour de lui, <strong>et</strong> vit Matahachi.<br />

— ... Eh, toi, là-bas ! Surveil<strong>le</strong> c<strong>et</strong> homme. S’il meurt, ça n’a<br />

aucune importance.<br />

Matahachi entendit ces paro<strong>le</strong>s, mais ne parvint à<br />

comprendre tout à fait ni <strong>le</strong>ur sens, ni celui de l’événement<br />

auquel il venait d’assister. Tout cela ressemblait à un<br />

cauchemar, visib<strong>le</strong> pour ses yeux, audib<strong>le</strong> pour ses oreil<strong>le</strong>s, mais<br />

incompréhensib<strong>le</strong> pour son cerveau.<br />

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