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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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domaine. Alors, un tronçon de fossé, un mur de <strong>pierre</strong> ou un<br />

grenier à riz <strong>le</strong> rassuraient.<br />

Toute la nuit, il chercha, mû par un besoin démoniaque. Il<br />

avait l’intention, une fois qu’il aurait trouvé <strong>le</strong> chal<strong>et</strong> de<br />

montagne, de faire irruption avec son défi aux lèvres. Mais <strong>le</strong>s<br />

heures s’écoulaient.<br />

L’aube approchait lorsqu’il se trouva à la porte de derrière<br />

du château. Au-delà se dressait un précipice, surmonté du mont<br />

Kasagi. Musashi faillit crier de déception, <strong>et</strong> reprit son chemin<br />

vers <strong>le</strong> sud. Enfin, au bas d’une pente inclinée vers <strong>le</strong> quart sudest<br />

du domaine, des arbres bien taillés, du gazon bien tenu lui<br />

annoncèrent qu’il avait découvert la r<strong>et</strong>raite. Conjecture bientôt<br />

confirmée par un portail au toit de chaume, du sty<strong>le</strong> cher au<br />

grand maître du thé Sen no Rikyu. A l’intérieur, Musashi put<br />

distinguer un bosqu<strong>et</strong> de bambou qu’enveloppait la brume du<br />

matin.<br />

Par une fente du portail, il vit que l’allée serpentait à travers<br />

<strong>le</strong> bosqu<strong>et</strong> à flanc de colline ainsi que dans <strong>le</strong>s r<strong>et</strong>raites de<br />

montagne des bouddhistes Zen. Un instant, il fut tenté de sauter<br />

par-dessus la clôture, mais s’en abstint ; quelque chose, dans ce<br />

décor, l’en empêcha. Etaient-ce <strong>le</strong>s soins <strong>et</strong> l’amour prodigués à<br />

ce jardin, ou la vue de péta<strong>le</strong>s blancs par terre ? Quoi qu’il en<br />

soit, la sensibilité de l’occupant transparaissait, <strong>et</strong> l’agitation de<br />

Musashi se calma. Il songea soudain à son propre aspect. Il<br />

devait avoir l’air d’un vagabond avec ses cheveux hirsutes <strong>et</strong> son<br />

kimono en désordre.<br />

« Inuti<strong>le</strong> de se précipiter », se dit-il, maintenant conscient<br />

de son épuisement. Il fallait se ressaisir avant de se présenter au<br />

maître des lieux.<br />

« Tôt ou tard, songea-t-il, quelqu’un viendra forcément au<br />

portail. Il sera bien temps. Si Sekishūsai refuse toujours de me<br />

voir en tant qu’étudiant errant, j’emploierai un autre moyen. »<br />

Il s’assit sous l’auvent du portail, adossé au montant, <strong>et</strong><br />

s’endormit.<br />

Les étoi<strong>le</strong>s pâlissaient <strong>et</strong> <strong>le</strong>s marguerites frémissaient dans<br />

la brise, lorsqu’une grosse goutte froide de rosée lui tomba sur<br />

la nuque <strong>et</strong> <strong>le</strong> réveilla. Le jour s’était <strong>le</strong>vé ; tandis que Musashi<br />

se secouait de son somme, la brise matina<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> chant des<br />

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