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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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El<strong>le</strong> essayait encore de <strong>le</strong> cajo<strong>le</strong>r ; il se défendait comme un<br />

homme attaqué par un essaim d’abeil<strong>le</strong>s.<br />

— Oui, <strong>et</strong> je vous en suis très reconnaissant. Aucun de nous<br />

deux n’oubliera jamais combien vous avez été bonne, de nous<br />

recevoir chez vous <strong>et</strong> tout.<br />

— Je ne par<strong>le</strong> pas de ça, Takezō. Je par<strong>le</strong> de mes sentiments<br />

de femme... du tendre <strong>et</strong> doux sentiment que j’ai pour toi.<br />

— Un instant ! s’écria-t-il avec un sursaut. Je vais allumer la<br />

lampe !<br />

— Oh ! comment peux-tu être si cruel ? p<strong>le</strong>urnicha-t-el<strong>le</strong> en<br />

essayant de <strong>le</strong> reprendre dans ses bras.<br />

— Ne me touchez pas ! cria-t-il avec indignation. Arrêtez...<br />

je par<strong>le</strong> sérieusement !<br />

Quelque chose dans sa voix, quelque chose d’intense <strong>et</strong> de<br />

résolu, effraya Okō au point qu’el<strong>le</strong> suspendit ses assauts.<br />

Takezō, <strong>le</strong>s membres en coton, claquait des dents. Jamais il<br />

n’avait rencontré un aussi redoutab<strong>le</strong> adversaire. Même alors<br />

qu’il regardait <strong>le</strong>s chevaux galoper tout près de lui à Sekigahara,<br />

son cœur n’avait pas autant battu la chamade. Il se<br />

recroquevillait dans un ang<strong>le</strong> de la pièce.<br />

— ... Al<strong>le</strong>z-vous-en, je vous en prie, supplia-t-il. R<strong>et</strong>ournez<br />

dans votre chambre. Sinon, j’appel<strong>le</strong> Matahachi. Je réveil<strong>le</strong><br />

toute la maisonnée !<br />

Okō ne bougeait pas. El<strong>le</strong> était là, dans l’obscurité,<br />

hal<strong>et</strong>ante, à <strong>le</strong> regarder fixement de ses yeux rétrécis. El<strong>le</strong><br />

n’entendait pas essuyer une rebuffade.<br />

— Takezō, roucoula-t-el<strong>le</strong> à nouveau, ne comprends-tu pas<br />

ce que je ressens ?<br />

Il ne répondit pas.<br />

— ... Ne <strong>le</strong> comprends-tu pas ?<br />

— Si, mais comprenez-vous ce que je ressens moi, à être<br />

surpris dans mon sommeil, épouvanté <strong>et</strong> déchiré dans<br />

l’obscurité par une tigresse ?<br />

Ce fut son tour à el<strong>le</strong> de se taire. Un chuchotement bas,<br />

presque un grondement, sortit des profondeurs de sa gorge. El<strong>le</strong><br />

détacha furieusement chaque syllabe :<br />

— Comment peux-tu me plonger à ce point dans<br />

l’embarras ?<br />

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