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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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protection de Kannon pour la famil<strong>le</strong> Hon’iden. Voilà où il<br />

devait se rendre ! Il ne savait où dormir, ce soir-là ; il pourrait<br />

passer la nuit sous <strong>le</strong> portique, <strong>et</strong> il avait des chances de revoir<br />

sa mère.<br />

Comme il longeait des rues obscures en direction de<br />

l’avenue Gojō, il fut rejoint par une meute aboyante de<br />

corniauds errants qui n’étaient malheureusement pas de ceux<br />

que l’on pouvait réduire au si<strong>le</strong>nce en <strong>le</strong>ur lançant une ou deux<br />

<strong>pierre</strong>s. Mais il avait l’habitude que l’on aboyât sur son passage,<br />

<strong>et</strong> ne se troubla pas quand <strong>le</strong>s chiens s’approchèrent en<br />

grondant <strong>et</strong> en montrant <strong>le</strong>s crocs.<br />

A Matsubara, bois de pins proche de l’avenue Gojō, il vit<br />

une autre meute de corniauds rassemblés autour d’un arbre.<br />

Ceux qui l’escortaient s’éloignèrent à p<strong>et</strong>its bonds pour se<br />

joindre à eux. Il y en avait plus qu’il n’en pouvait compter ; ils<br />

faisaient tous un grand tapage ; certains sautaient à cinq ou six<br />

pieds de haut contre <strong>le</strong> tronc de l’arbre.<br />

En scrutant l’ombre, il devinait à peine une jeune fil<strong>le</strong><br />

accroupie, tremblante, sur une branche. Ou du moins il était<br />

presque certain qu’il s’agissait d’une jeune fil<strong>le</strong>.<br />

Il tendit <strong>le</strong> poing <strong>et</strong> vociféra pour éloigner <strong>le</strong>s chiens. En<br />

vain. Il <strong>le</strong>ur lança des <strong>pierre</strong>s, sans résultat non plus. Alors, il se<br />

souvint d’avoir entendu dire qu’un moyen de <strong>le</strong>s faire fuir<br />

consistait à se m<strong>et</strong>tre à quatre pattes en poussant des<br />

rugissements ; il essaya donc. Mais cela n’eut aucun eff<strong>et</strong> non<br />

plus, peut-être parce qu’ils étaient si nombreux à sauter partout<br />

comme poissons au fil<strong>et</strong>, remuant la queue, grattant l’écorce de<br />

l’arbre <strong>et</strong> poussant des hur<strong>le</strong>ments féroces.<br />

Soudain, Matahachi se dit qu’une femme risquait de trouver<br />

ridicu<strong>le</strong> qu’un jeune homme ayant deux <strong>sabre</strong>s jouât par terre, à<br />

quatre pattes, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’un animal. Avec un juron, il se re<strong>le</strong>va<br />

d’un bond. L’instant d’après, l’un des chiens poussait <strong>le</strong> dernier<br />

hur<strong>le</strong>ment. Quand <strong>le</strong>s autres virent au-dessus du corps <strong>le</strong> <strong>sabre</strong><br />

ensanglanté de Matahachi, ils se serrèrent <strong>le</strong>s uns contre <strong>le</strong>s<br />

autres, <strong>le</strong>urs dos efflanqués pareils aux vagues de la mer.<br />

— Ça ne vous suffit pas ?<br />

Devant la menace du <strong>sabre</strong>, <strong>le</strong>s chiens se dispersèrent dans<br />

toutes <strong>le</strong>s directions.<br />

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