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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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s’unissait à la surface de la montagne ; l’esprit de l’homme <strong>et</strong><br />

l’esprit de la montagne accomplissaient <strong>le</strong> grand œuvre de<br />

procréation dans la vaste étendue de la nature à l’aube. En proie<br />

à une extase divine, Musashi dormit <strong>le</strong> sommeil du juste.<br />

Lorsqu’enfin il re<strong>le</strong>va la tête, son esprit avait la pur<strong>et</strong>é, la<br />

clarté du cristal. Il avait envie de sauter, de s’élancer comme un<br />

vairon dans l’eau vive.<br />

— ... Il n’y a rien au-dessus de moi ! s’écria-t-il. Je suis<br />

debout au somm<strong>et</strong> de la tête de l’aig<strong>le</strong> !<br />

Le jeune so<strong>le</strong>il du matin répandait sa lumière rougeâtre sur<br />

lui <strong>et</strong> sur la montagne, cependant qu’il tendait ses bras musclés<br />

<strong>et</strong> sauvages vers <strong>le</strong> ciel. Il abaissa <strong>le</strong>s yeux sur ses deux pieds<br />

plantés solidement au somm<strong>et</strong> ; <strong>et</strong> il vit cou<strong>le</strong>r de son pied<br />

b<strong>le</strong>ssé quelque chose comme un p<strong>le</strong>in seau de pus jaunâtre.<br />

Parmi la pur<strong>et</strong>é cé<strong>le</strong>ste qui l’entourait s’é<strong>le</strong>va l’odeur étrange de<br />

l’humanité : la douce odeur des tristesses dissipées.<br />

L’éphémère en hiver<br />

Chaque matin, après avoir accompli <strong>le</strong>urs devoirs religieux,<br />

<strong>le</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s qui habitaient la Maison des Vierges se<br />

rendaient, <strong>le</strong>urs livres à la main, à la sal<strong>le</strong> de classe de la maison<br />

Arakida, où el<strong>le</strong>s étudiaient la grammaire <strong>et</strong> s’exerçaient à<br />

composer des poèmes. Pour exécuter des danses religieuses,<br />

el<strong>le</strong>s portaient un kimono de soie blanche <strong>et</strong> de très larges<br />

pantalons cramoisis, appelés hakama ; mais pour <strong>le</strong> moment,<br />

el<strong>le</strong>s étaient vêtues du kimono à manches courtes <strong>et</strong> du hakama<br />

de coton blanc qu’el<strong>le</strong>s portaient pour étudier ou s’adonner aux<br />

tâches ménagères.<br />

Un groupe d’entre el<strong>le</strong>s sortait par la porte de derrière,<br />

quand l’une d’el<strong>le</strong>s s’exclama :<br />

— Qu’est-ce que c’est que ça ?<br />

El<strong>le</strong> désignait <strong>le</strong> paqu<strong>et</strong>age auquel étaient attachés <strong>le</strong>s<br />

<strong>sabre</strong>s, accroché là par Musashi la veil<strong>le</strong> au soir.<br />

— A qui crois-tu que ça appartienne ?<br />

— Ce doit être à un samouraï.<br />

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