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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Tōji sauta en arrière, <strong>et</strong> j<strong>et</strong>a un regard dans <strong>le</strong> sombre<br />

réduit ; <strong>le</strong> sol couvert de vieil<strong>le</strong>s nattes en lambeaux, il était<br />

aussi différent des agréab<strong>le</strong>s pièces du devant que la nuit l’est<br />

du jour. Vautré par terre, une poignée de <strong>sabre</strong> gisant à la diab<strong>le</strong><br />

en travers du ventre, il y avait là un samouraï mal tenu dont <strong>le</strong>s<br />

vêtements <strong>et</strong> l’aspect d’ensemb<strong>le</strong> ne laissaient aucun doute :<br />

c’était l’un des rōnins que l’on voyait souvent rôder, oisifs, dans<br />

<strong>le</strong>s rues <strong>et</strong> <strong>le</strong>s ruel<strong>le</strong>s. <strong>La</strong> plante de ses pieds sa<strong>le</strong>s fascinait Tōji.<br />

Sans faire aucun effort pour se <strong>le</strong>ver, il restait couché là, hébété.<br />

— Oh ! excusez-moi, dit Tōji. Je ne savais pas qu’il y avait<br />

un client là-dedans.<br />

— Je ne suis pas un client ! vociféra l’homme en direction<br />

du plafond.<br />

Il puait <strong>le</strong> saké ; Tōji avait beau ignorer complètement qui<br />

cela pouvait bien être, il était sûr que l’homme souhaitait <strong>le</strong> voir<br />

au diab<strong>le</strong>.<br />

— Excusez-moi de vous avoir dérangé, se hâta-t-il de dire, <strong>et</strong><br />

il se détourna pour s’en al<strong>le</strong>r.<br />

— Une seconde ! fit l’homme avec rudesse en se sou<strong>le</strong>vant<br />

légèrement. Ferme la porte avant de partir !<br />

Saisi par sa grossièr<strong>et</strong>é, Tōji obéit <strong>et</strong> s’éloigna.<br />

Presque aussitôt, il fut remplacé par Okō. Sur son trente <strong>et</strong><br />

un, il sautait aux yeux qu’el<strong>le</strong> voulait faire la grande dame.<br />

Comme si el<strong>le</strong> grondait un enfant, el<strong>le</strong> dit à Matahachi :<br />

— Allons, après qui en as-tu encore ?<br />

Akemi, sur <strong>le</strong>s talons de sa mère, demanda :<br />

— Pourquoi ne viens-tu pas avec nous ?<br />

— Où ça ?<br />

— Voir l’Okuni Kabuki.<br />

<strong>La</strong> bouche de Matahachi grimaça de répugnance.<br />

— Quel mari voudrait se faire voir en compagnie d’un<br />

homme qui court après sa femme ? demanda-t-il avec<br />

amertume.<br />

Okō eut l’impression de recevoir une gif<strong>le</strong>. Les yeux<br />

étincelants de colère, el<strong>le</strong> dit :<br />

— Qu’est-ce que tu racontes ? Insinuerais-tu qu’il y a<br />

quelque chose entre Tōji <strong>et</strong> moi ?<br />

— Qui a dit une chose pareil<strong>le</strong> ?<br />

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