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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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endait compte qu’il ne pouvait insister davantage. Levant son<br />

visage baigné de larmes, il s’accrocha à l’ultime <strong>et</strong> faib<strong>le</strong> espoir :<br />

— Quand vous aurez fini vos études, verrez-vous Otsū, lui<br />

ferez-vous la cour ? Oui, n’est-ce pas ? Quand vous croirez avoir<br />

étudié suffisamment longtemps...<br />

— Oui, ce jour-là.<br />

— Ça sera quand ?<br />

— C’est diffici<strong>le</strong> à dire.<br />

— Deux ans, peut-être ?<br />

Musashi ne répondit pas.<br />

— Trois ans ?<br />

— <strong>La</strong> voie de la discipline est sans fin.<br />

— Vous ne reverrez jamais Otsū de votre vie ?<br />

— Si <strong>le</strong>s ta<strong>le</strong>nts avec <strong>le</strong>squels je suis né sont <strong>le</strong>s bons, peutêtre<br />

un jour atteindrai-je mon but. Sinon, il se peut que je sois<br />

toute ma vie aussi stupide que je <strong>le</strong> suis maintenant. Mais il est<br />

possib<strong>le</strong> que je meure bientôt. Comment un homme qui a c<strong>et</strong>te<br />

perspective pourrait-il s’engager pour l’avenir auprès d’une<br />

femme aussi jeune qu’Otsū ?<br />

Il en avait dit plus qu’il ne voulait. Jōtarō parut déconcerté<br />

puis déclara triompha<strong>le</strong>ment :<br />

— Inuti<strong>le</strong> de prom<strong>et</strong>tre à Otsū quoi que ce soit. Je vous<br />

demande seu<strong>le</strong>ment de la voir.<br />

— Ce n’est pas aussi simp<strong>le</strong>. Otsū est une jeune femme. Je<br />

suis un jeune homme. Il m’est désagréab<strong>le</strong> de te l’avouer, mais<br />

si je la rencontrais je serais vaincu par ses larmes, je <strong>le</strong> crains. Je<br />

serais incapab<strong>le</strong> de m’en tenir à ma décision.<br />

Musashi n’était plus l’impétueux ado<strong>le</strong>scent qui avait<br />

repoussé Otsū au pont de Hanada. Il était moins égocentrique,<br />

moins désinvolte, plus patient <strong>et</strong> beaucoup plus doux. Peut-être<br />

<strong>le</strong> charme de Yoshino eût-il réveillé <strong>le</strong>s flammes de la passion si<br />

Musashi n’avait rej<strong>et</strong>é l’amour à la façon dont l’eau éteint <strong>le</strong> feu.<br />

Toutefois, quand la femme était Otsū, Musashi manquait de<br />

confiance en sa maîtrise de soi. Il savait qu’il ne devait point<br />

penser à c<strong>et</strong>te jeune fil<strong>le</strong> sans envisager l’eff<strong>et</strong> qu’il risquait<br />

d’avoir sur sa vie à el<strong>le</strong>.<br />

Jōtarō entendit la voix de Musashi près de son oreil<strong>le</strong> :<br />

— ... Tu comprends, maintenant ?<br />

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