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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Musashi se protégea <strong>le</strong>s yeux de la main pour regarder autour<br />

de lui, heureux d’être de r<strong>et</strong>our parmi <strong>le</strong>s humains.<br />

Près du Miidera, alors qu’il commençait à gravir la pente du<br />

Bizoji, il s’était vaguement demandé quel<strong>le</strong> route prendrait<br />

Otsū. Auparavant, il avait imaginé que peut-être il la<br />

rencontrerait en chemin, mais ensuite, il s’était dit que c’était<br />

peu vraisemblab<strong>le</strong>. <strong>La</strong> femme qui avait porté sa l<strong>et</strong>tre à Kyoto<br />

lui avait appris que, bien qu’Otsū ne fût plus à la résidence<br />

Karasumaru, sa l<strong>et</strong>tre lui serait remise. Comme el<strong>le</strong> ne l’aurait<br />

pas reçue avant <strong>le</strong> soir tard, <strong>et</strong> comme el<strong>le</strong> aurait différentes<br />

choses à faire avant de partir, il paraissait probab<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong><br />

attendrait <strong>le</strong> matin pour se m<strong>et</strong>tre en route.<br />

En passant devant un temp<strong>le</strong> orné de beaux vieux<br />

cerisiers – sans nul doute célèbres, se dit-il, pour <strong>le</strong>urs f<strong>le</strong>urs<br />

printanières –, il avait remarqué un monument de <strong>pierre</strong>,<br />

dressé sur un monticu<strong>le</strong>. Bien qu’il n’eût fait qu’apercevoir <strong>le</strong><br />

poème inscrit dessus, il lui revint quelques centaines de mètres<br />

plus bas sur la route. Ce poème était extrait du Taikeiki. Se<br />

rappelant que <strong>le</strong> poème avait trait à un conte qu’il avait<br />

autrefois appris par cœur, il se mit à se <strong>le</strong> réciter <strong>le</strong>ntement.<br />

— « Un vénérab<strong>le</strong> prêtre du temp<strong>le</strong> de Shiga – appuyé sur<br />

un bâton de six pieds, <strong>et</strong> si vieux que ses sourcils chenus se<br />

rejoignaient sur son front en visière de neige – contemplait la<br />

beauté de Kannon dans <strong>le</strong>s eaux du lac lorsqu’il aperçut par<br />

hasard une concubine impéria<strong>le</strong> de Kyogoku. El<strong>le</strong> revenait de<br />

Shiga où se trouvait un grand champ de f<strong>le</strong>urs ; quand <strong>le</strong> prêtre<br />

la vit, il s’enflamma de passion. <strong>La</strong> vertu qu’il avait si<br />

pénib<strong>le</strong>ment acquise au cours des années l’abandonna. Englouti<br />

dans <strong>le</strong> brûlant désir... »<br />

« Allons, comment était-ce ? Il semb<strong>le</strong> que j’en aie oublié<br />

une partie. Ah ! oui... »<br />

— ... « Il r<strong>et</strong>ourna à sa cabane faite de branches, <strong>et</strong> pria<br />

devant l’image du Bouddha mais la vision de la femme<br />

persistait. Il avait beau invoquer <strong>le</strong> nom du Bouddha, sa propre<br />

voix sonnait comme <strong>le</strong> souff<strong>le</strong> de l’illusion. Dans <strong>le</strong>s nuages, audessus<br />

des montagnes, au crépuscu<strong>le</strong>, il croyait voir <strong>le</strong>s peignes<br />

de la chevelure de la femme. Cela <strong>le</strong> rendait triste. Lorsqu’il<br />

<strong>le</strong>vait <strong>le</strong>s yeux vers la lune solitaire, sa face lui répondait par un<br />

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