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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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l’appe<strong>le</strong>r, mais sa voix se brisa ; son corps tremblant refusait<br />

d’exécuter <strong>le</strong>s ordres. Brusquement, el<strong>le</strong> s’assit dans l’ombre<br />

d’un p<strong>et</strong>it pin.<br />

« Enfin ! se réjouissait-el<strong>le</strong>. Enfin je l’ai trouvé ! L’âme de<br />

l’onc<strong>le</strong> Gon m’a conduite vers lui. » Dans <strong>le</strong> sac pendu à sa tail<strong>le</strong><br />

el<strong>le</strong> portait un fragment d’os de l’onc<strong>le</strong> Gon <strong>et</strong> une mèche de ses<br />

cheveux.<br />

Chaque jour, depuis sa mort, el<strong>le</strong> lui parlait. « Onc<strong>le</strong> Gon,<br />

disait-el<strong>le</strong>, bien que tu sois disparu je ne me sens pas seu<strong>le</strong>. Tu<br />

es resté avec moi quand j’ai fait vœu de ne pas r<strong>et</strong>ourner au<br />

village avant d’avoir puni Musashi <strong>et</strong> Otsū. Tu es toujours avec<br />

moi. Tu as beau être mort, ton âme est toujours avec moi. Nous<br />

sommes ensemb<strong>le</strong> pour jamais. Lève <strong>le</strong>s yeux à travers l’herbe,<br />

<strong>et</strong> regarde-moi ! Jamais je ne laisserai Musashi impuni ! »<br />

Certes, l’onc<strong>le</strong> Gon était mort depuis une semaine<br />

seu<strong>le</strong>ment, mais Osugi avait la ferme résolution de tenir ses<br />

engagements envers lui jusqu’à ce qu’el<strong>le</strong> fût réduite en cendres.<br />

Au cours des tout derniers jours, el<strong>le</strong> avait intensifié sa<br />

recherche avec la fureur de la terrib<strong>le</strong> Kishimojin, laquel<strong>le</strong>,<br />

avant sa conversion par <strong>le</strong> Bouddha, avait tué d’autres enfants<br />

pour nourrir <strong>le</strong> sien propre – on <strong>le</strong>s évaluait à cinq cents, mil<strong>le</strong><br />

ou dix mil<strong>le</strong>.<br />

Pour Osugi, <strong>le</strong> premier indice avait été une rumeur<br />

entendue dans la rue : il y aurait bientôt une passe d’armes<br />

entre Musashi <strong>et</strong> Yoshioka Seijūrō. Et puis, au début de la<br />

précédente soirée, el<strong>le</strong> avait fait partie des badauds qui<br />

regardaient apposer l’écriteau sur <strong>le</strong> Grand Pont de l’avenue<br />

Gojō. Dans quel<strong>le</strong> excitation el<strong>le</strong> était ! El<strong>le</strong> l’avait lu <strong>et</strong> relu de<br />

bout en bout en se disant : « L’ambition de Musashi a donc fini<br />

par <strong>le</strong> perdre ! Ils vont <strong>le</strong> ridiculiser. Yoshioka <strong>le</strong> tuera. Ah ! si<br />

cela se produit, comment pourrai-je regarder en face <strong>le</strong>s gens de<br />

mon village ? J’ai juré que je <strong>le</strong> tuerais moi-même. Je dois<br />

parvenir jusqu’à lui avant Yoshioka. Rapporter c<strong>et</strong>te face<br />

grimaçante, <strong>et</strong> la tenir par <strong>le</strong>s cheveux pour la faire voir aux<br />

villageois ! » Alors, el<strong>le</strong> avait prié <strong>le</strong>s dieux, <strong>le</strong>s bodhisattvas <strong>et</strong><br />

ses ancêtres de lui venir en aide.<br />

En dépit de toute c<strong>et</strong>te fureur venimeuse, el<strong>le</strong> était sortie<br />

déçue de chez Matsuo. En revenant <strong>le</strong> long de la rivière Kamo,<br />

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