14.12.2018 Views

La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Musashi s’arrêta <strong>et</strong> se tint sur <strong>le</strong> seuil, <strong>le</strong>s pieds joints. Audessus<br />

des remparts moussus, <strong>le</strong>s grands arbres frémissaient.<br />

Une seu<strong>le</strong> lumière venait d’une fenêtre carrée.<br />

Musashi appela ; un garde parut. Lui donnant la l<strong>et</strong>tre de<br />

Shōda Kizaemon, il dit :<br />

— Je m’appel<strong>le</strong> Musashi, <strong>et</strong> je viens à l’invitation de Shōda.<br />

Voudriez-vous, s’il vous plaît, lui dire que je suis là ?<br />

Le garde était au courant.<br />

— Ils vous attendent, dit-il en faisant signe à Musashi de <strong>le</strong><br />

suivre.<br />

En plus de ses autres fonctions, <strong>le</strong> Shin’indō était l’endroit<br />

où <strong>le</strong>s jeunes gens du château étudiaient <strong>le</strong> confucianisme. Il<br />

servait aussi de bibliothèque du fief. Les sal<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> long du<br />

couloir qui menait à l’arrière de l’édifice, étaient toutes tapissées<br />

de rayons de livres, <strong>et</strong>, bien que la Maison de Yagyū tirât sa<br />

renommée de ses prouesses militaires, Musashi constatait<br />

qu’el<strong>le</strong> insistait aussi beaucoup sur l’érudition. Tout dans <strong>le</strong><br />

château paraissait baigner dans l’histoire.<br />

Et tout paraissait bien tenu, à en juger par la n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é de la<br />

route qui menait du portail au Shin’indō, la courtoisie du garde,<br />

<strong>et</strong> l’éclairage austère <strong>et</strong> paisib<strong>le</strong> au voisinage du donjon.<br />

Parfois, en pénétrant pour la première fois dans une<br />

maison, <strong>le</strong> visiteur a l’impression d’être déjà familier de<br />

l’endroit <strong>et</strong> de ses habitants. Musashi eut c<strong>et</strong>te impression en<br />

s’asseyant sur <strong>le</strong> parqu<strong>et</strong> de la grande sal<strong>le</strong> où <strong>le</strong> garde l’avait<br />

introduit. Après lui avoir offert un coussin dur <strong>et</strong> rond de pail<strong>le</strong><br />

tressée, qu’il accepta en <strong>le</strong> remerciant, <strong>le</strong> garde <strong>le</strong> laissa seul. En<br />

chemin, Jōtarō était resté à la sal<strong>le</strong> d’attente des serviteurs.<br />

Le garde revint quelques minutes plus tard, <strong>et</strong> dit à Musashi<br />

que son hôte arriverait bientôt.<br />

Musashi glissa <strong>le</strong> coussin rond dans un ang<strong>le</strong>, <strong>et</strong> s’adossa<br />

contre un pilier. A la lumière de la lampe basse qui éclairait <strong>le</strong><br />

jardin, il voyait des treillages de glycines en f<strong>le</strong>urs, blanches <strong>et</strong><br />

lavande. Le parfum suave de la glycine embaumait l’air.<br />

Musashi tressaillit au coassement d’une grenouil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> premier<br />

qu’il eût entendu de l’année.<br />

De l’eau murmurait quelque part dans <strong>le</strong> jardin ; il semblait<br />

que <strong>le</strong> ruisseau coulât sous <strong>le</strong> bâtiment car, une fois installé,<br />

322

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!