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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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A la troisième botte, préoccupé par son œil, il se contenta<br />

d’incliner légèrement <strong>le</strong> haut du corps. Le <strong>sabre</strong> lui traversa la<br />

manche <strong>et</strong> lui égratigna l’avant-bras. Un lambeau de la manche<br />

tomba, ce qui permit à Osugi de voir du sang sur la doublure<br />

blanche.<br />

— Je l’ai b<strong>le</strong>ssé ! cria-t-el<strong>le</strong> avec extase en agitant<br />

sauvagement son arme.<br />

El<strong>le</strong> était aussi fière que si el<strong>le</strong> avait abattu un grand arbre<br />

d’un seul coup, <strong>et</strong> <strong>le</strong> fait que Musashi refusât <strong>le</strong> combat ne<br />

diminuait en rien sa joie. El<strong>le</strong> continua de clamer <strong>le</strong> nom de la<br />

Kannon de Kiyomizudera, invitant la divinité à descendre sur la<br />

terre.<br />

En proie à une frénésie bruyante, el<strong>le</strong> courait autour de lui,<br />

l’attaquait par-devant <strong>et</strong> par-derrière. Musashi ne faisait que<br />

changer de place afin d’éviter <strong>le</strong>s coups.<br />

Son œil <strong>le</strong> tracassait, <strong>et</strong> il y avait l’égratignure à son avantbras.<br />

Bien qu’il eût vu <strong>le</strong> coup arriver, il n’avait pas été assez<br />

prompt pour l’éviter. Jamais personne auparavant ne l’avait<br />

b<strong>le</strong>ssé fût-ce légèrement, <strong>et</strong>, comme il n’avait pas pris au sérieux<br />

l’assaut d’Osugi, la question de savoir qui serait vainqueur, qui<br />

serait vaincu, ne lui avait jamais traversé l’esprit.<br />

Pourtant, n’était-il pas exact qu’en ne la prenant pas au<br />

sérieux, il s’était laissé b<strong>le</strong>sser ? D’après L’Art de la guerre, si<br />

légère que fût la b<strong>le</strong>ssure il était indubitab<strong>le</strong>ment battu. <strong>La</strong> foi<br />

de la vieil<strong>le</strong> femme <strong>et</strong> la pointe de son <strong>sabre</strong> avaient fait éclater<br />

aux yeux de tous son manque de maturité.<br />

« Je me trompais », se disait-il. Comprenant la folie de son<br />

inaction, il s’écarta d’un bond des assauts du <strong>sabre</strong> <strong>et</strong> frappa<br />

vio<strong>le</strong>mment Osugi dans <strong>le</strong> dos, ce qui l’envoya s’éta<strong>le</strong>r <strong>et</strong> fit vo<strong>le</strong>r<br />

<strong>le</strong> <strong>sabre</strong> loin d’el<strong>le</strong>. De la main gauche, Musashi ramassa <strong>le</strong><br />

<strong>sabre</strong>, <strong>et</strong>, de la droite, sou<strong>le</strong>va la vieil<strong>le</strong> femme au creux de son<br />

bras.<br />

— ... <strong>La</strong>isse-moi descendre ! criait-el<strong>le</strong> en battant l’air de ses<br />

bras. N’y a-t-il donc pas de dieux ? Pas de bodhisattvas ? Je l’ai<br />

déjà b<strong>le</strong>ssé une fois ! Que faire ? Musashi ! Ne m’humilie pas<br />

ainsi ! Coupe-moi la tête ! Tue-moi sur-<strong>le</strong>-champ !<br />

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