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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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proie des flammes. Quatre décennies avaient passé ; l’on avait<br />

reconstruit l’édifice principal <strong>et</strong> un certain nombre de temp<strong>le</strong>s<br />

secondaires ; pourtant, <strong>le</strong> souvenir de c<strong>et</strong>te nuit ensevelissait la<br />

montagne à la façon d’un linceul. <strong>La</strong> fondation était maintenant<br />

privée de ses pouvoirs temporels, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s prêtres consacraient de<br />

nouveau <strong>le</strong>ur temps à des tâches religieuses.<br />

Situé sur <strong>le</strong> pic <strong>le</strong> plus méridional, ayant vue sur <strong>le</strong>s autres<br />

temp<strong>le</strong>s <strong>et</strong> sur Kyoto même, il y avait un p<strong>et</strong>it temp<strong>le</strong> écarté, <strong>le</strong><br />

Mudōji. Le si<strong>le</strong>nce était rarement rompu par des sons moins<br />

paisib<strong>le</strong>s que <strong>le</strong> murmure d’un ruisseau ou <strong>le</strong> gazouillis des<br />

p<strong>et</strong>its oiseaux.<br />

Des profondeurs du temp<strong>le</strong> venait une voix masculine<br />

récitant <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s de Kannon, la déesse de la Miséricorde,<br />

suivant la révélation du sûtra du Lotus. <strong>La</strong> psalmodie s’é<strong>le</strong>vait<br />

progressivement puis, comme si <strong>le</strong> chantre avait soudain repris<br />

ses esprits, r<strong>et</strong>ombait.<br />

Sur <strong>le</strong> sol d’un noir de jais du corridor s’avançait un acolyte<br />

en robe blanche, porteur, à hauteur de l’œil, d’un plateau sur<br />

<strong>le</strong>quel on avait disposé <strong>le</strong> maigre repas végétarien que l’on a<br />

coutume de servir dans <strong>le</strong>s établissements religieux. Il entra<br />

dans la sal<strong>le</strong> d’où venait la voix, posa <strong>le</strong> plateau dans un ang<strong>le</strong>,<br />

s’agenouilla poliment <strong>et</strong> dit :<br />

— Bonjour, monsieur.<br />

Légèrement penché en avant, absorbé dans sa tâche, l’hôte<br />

n’entendit pas <strong>le</strong> salut du jeune garçon.<br />

— ... Monsieur, dit l’acolyte en é<strong>le</strong>vant un peu la voix, je<br />

vous apporte votre déjeuner. Je <strong>le</strong> laisse ici, dans <strong>le</strong> coin, si cela<br />

vous convient.<br />

— Oh ! merci, répondit Musashi en se redressant. C’est fort<br />

aimab<strong>le</strong> à vous.<br />

Il se tourna <strong>et</strong> s’inclina.<br />

— Désirez-vous déjeuner maintenant ?<br />

— Oui.<br />

— Alors, je vous sers votre riz.<br />

Musashi accepta <strong>le</strong> bol de riz <strong>et</strong> se mit à manger. L’acolyte<br />

regarda fixement d’abord <strong>le</strong> bloc de bois à côté de Musashi, puis<br />

<strong>le</strong> p<strong>et</strong>it couteau derrière lui. Des copeaux <strong>et</strong> des éclats de bois de<br />

santal blanc, parfumé, jonchaient la pièce.<br />

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