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La pierre et le sabre - Eiji Yoshikawa

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Les autres <strong>le</strong> rattrapèrent, puis restèrent cloués au sol,<br />

bouche bée devant <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> qu’ils avaient sous <strong>le</strong>s yeux.<br />

Seijūrō, vêtu d’un kimono à f<strong>le</strong>urs b<strong>le</strong>ues, <strong>le</strong>s manches<br />

r<strong>et</strong>roussées par une courroie en cuir, la tête serrée dans un tissu<br />

blanc, gisait la face dans l’herbe.<br />

— Jeune Maître !<br />

— Nous voilà ! Qu’est-ce qui s’est passé ?<br />

Sur <strong>le</strong> serre-tête blanc, sur la manche ou sur l’herbe il n’y<br />

avait pas une goutte de sang mais <strong>le</strong>s yeux <strong>et</strong> <strong>le</strong> front de Seijūrō<br />

se trouvaient immobilisés dans une expression de souffrance<br />

intolérab<strong>le</strong>. Ses lèvres étaient de la cou<strong>le</strong>ur des raisins verts.<br />

— Il... il respire ?<br />

— A peine.<br />

— Vite, re<strong>le</strong>vez-<strong>le</strong> !<br />

Un homme s’agenouilla <strong>et</strong> saisit <strong>le</strong> bras droit de Seijūrō,<br />

prêt à <strong>le</strong> sou<strong>le</strong>ver. Seijūrō poussa des cris de torture.<br />

— Trouvez quelque chose pour <strong>le</strong> transporter ! N’importe<br />

quoi !<br />

Trois ou quatre hommes, en poussant des clameurs<br />

confuses, coururent jusqu’à une ferme <strong>et</strong> revinrent avec un<br />

vol<strong>et</strong>. Ils glissèrent doucement Seijūrō dessus mais, bien qu’il<br />

parût se ranimer un peu, il continuait à se tordre de dou<strong>le</strong>ur.<br />

Pour <strong>le</strong> faire tenir tranquil<strong>le</strong>, plusieurs hommes en<strong>le</strong>vèrent <strong>le</strong>ur<br />

obi afin de l’attacher au vol<strong>et</strong>.<br />

Un homme à chaque ang<strong>le</strong>, ils <strong>le</strong> sou<strong>le</strong>vèrent <strong>et</strong> se mirent en<br />

marche dans un si<strong>le</strong>nce funèbre. Seijūrō donnait de vio<strong>le</strong>nts<br />

coups de pied, presque au point de briser <strong>le</strong> vol<strong>et</strong>.<br />

— Musashi... il est parti ? Oh ! que j’ai mal !... Bras droit...<br />

épau<strong>le</strong>... l’os... Aï-ï-ï-ïe !... Insupportab<strong>le</strong>. Coupez-<strong>le</strong>-moi !...<br />

Vous êtes sourds ? Coupez-moi <strong>le</strong> bras !<br />

Horrifiés par c<strong>et</strong>te souffrance, <strong>le</strong>s porteurs de la civière<br />

improvisée détournaient <strong>le</strong>s yeux. C’était l’homme qu’ils<br />

respectaient comme <strong>le</strong>ur maître ; ils trouvaient indécent de <strong>le</strong><br />

regarder dans c<strong>et</strong> état. Ils s’arrêtèrent pour crier à Ueda <strong>et</strong><br />

Jūrōzaemon :<br />

— Il souffre affreusement, <strong>et</strong> nous demande de lui couper <strong>le</strong><br />

bras. Si nous <strong>le</strong> faisons, est-ce que ça ne lui faciliterait pas <strong>le</strong>s<br />

choses ?<br />

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